Il s’appelle Emery Mwazulu Diyabanza et commence à se faire un nom dans les musées. Non qu’il connaisse quoi que ce soit à l’art en général, et celui de son continent en particulier, mais parce qu’il se pose en héraut et, accessoirement, en héros de la « restitution ».

À 42 ans, le bonhomme se construit une histoire. La biographie est fumeuse et totalement invérifiable. On peut, toutefois, supposer que c’est celle qu’il a vendue à l’État français… Emery Mwazulu Diyabanza aurait été candidat à la présidentielle du Congo en 2011. Bien qu’on n’en trouve nulle trace parmi les onze candidats à la succession de Joseph Kabila, il affirme avoir été, pour cela, enfermé dans les geôles congolaises et y avoir échappé de peu à la mort. Bref, le fondateur du collectif Unité, Dignité, Courage vit en France et « partage son temps entre Champigny-sur-Marne, en banlieue parisienne, et Lomé, au Togo », vivant de la vente d’objets électroniques sur Internet.

Hélas, loin de couler des jours heureux, Emery Mwazulu Diyabanza est un homme obsédé : il veut vider les musées occidentaux des œuvres pillées – forcément – à l’Afrique. Il milite « pour la restitution des œuvres, contre le franc CFA, ou encore les “biens mal acquis” ». C’est, assurément, un créneau porteur.

Le 12 juin dernier, alors que le monde défilait pour George Floyd et que la famille Traoré enfourchait la planche pour surfer sur la vague, Emery Mwazulu Diyabanza et quelques amis menaient une opération commando au musée du Quai Branly. Arrachant un poteau funéraire Bari (Tchad) du XIXe siècle de son socle en criant « On le ramène à la maison ! », le leader de l’UDC s’offrait son quart d’heure warholien.

Pour cet acte héroïque, Mwazulu Diyabanza et ses amis sont passés en jugement devant le tribunal correctionnel de Paris pour « vol aggravé ». Le chef a écopé de 1.000 euros d’amende. Il repassera devant le tribunal, à Marseille cette fois, le 17 novembre prochain, pour des faits similaires commis à la Vieille Charité (musée des arts d’Afrique et d’Océanie). En janvier, ce sera au Pays-Bas pour avoir, le 10 septembre dernier, tenté d’emporter une sculpture du Congo à l’Afrika Museum de Berg en Dal.

On aurait tort de croire que ces tracasseries judiciaires sont de nature à arrêter ce fier chevalier. En effet, neuf jours seulement après sa condamnation devant le tribunal de Paris, Emery Mwazulu Diyabanza a refait son show au Louvre. C’était au Pavillon des Sessions, là où trône en majesté un échantillonnage des chefs-d’œuvre du bout du monde. Héroïque, le colosse a arraché un poteau de son socle et l’a brandi devant un smartphone complaisant en tonitruant : « On est venu récupérer ce qui nous appartient. Je suis venu reprendre ce qui a été volé, ce qui a été pillé en Afrique, au nom de notre peuple, au nom de notre mère patrie l'Afrique. »

Je vous l’ai dit, Emery Mwazulu Diyabanza ne connaît rien à l’art de son pays. Il a pris ce qui lui tombait sous la main, à savoir une sculpture de l’île de Florès, en Indonésie. C’est le geste qui compte, pas vrai ?

Il faut dire que voler un objet dans cette section du Louvre est une chose aisée. Pour y être retournée début septembre, je peux en témoigner : à part mon amie et moi, personne en vue. La faute au Covid-19, paraît-il.

Par ses actions d’éclat dans les musées, l’activiste africain s’offre une tribune. À part débiter le sempiternel discours sur les colonisateurs esclavagistes, il ne fait que jeter le discrédit sur une question – celle de la restitution – qui mérite plus que tout calme, réflexion et culture historique, toutes choses qui lui font défaut.

Question : que fait-il encore sur notre sol, celui-là ?

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27 octobre 2020 à 17:01

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