[LE GÉNIE FRANÇAIS] Les hiéroglyphes de Champollion

Clio20 / Wikimedia commons /CC BY-SA 3.0
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Y a-t-il plus grand génie que celui qui cherche jusqu’à trouver et mourir d’épuisement ? Jean-François Champollion a découvert ce qu’aucun savant n’était parvenu à faire avant lui. Ainsi, il y a deux cents ans, le grand homme, après quinze ans d’un travail acharné, a fait resurgir l’Histoire d’une civilisation trois fois millénaire (de 3.200 avant J.-C. jusqu’à l’an 394 de notre ère).

Le génie a compris le sens des hiéroglyphes égyptiens tombé dans l’oubli depuis l’interdiction de leur emploi par Rome vers l’an 400. C’est à la Renaissance qu’on a retrouvé des obélisques couverts de signes et de dessins. Des savants ont commencé à vouloir décrypter ces symboles apparus dans la vallée du Nil au temps des pharaons. Mais en vain.

Le Français, né en 1790 à Figeac dans la magnifique vallée du Lot, est d’une précocité rare. Il a dès l’âge de 5 ans la curiosité d’apprendre à lire tout seul. Mais comment fait-il ? Tout simplement en regardant de près le missel de sa mère ou de son père, libraire, il y repère une prière et des chants qu’il connaît par cœur. Il s’amuse donc à déchiffrer les termes qui sont déjà dans sa mémoire. Sa vocation est née. Toute sa vie, il restera exalté comme personne par le déchiffrage des mots, des phrases, des langues. Et, très important, des sons !

Jean-François Champollion par Léon Cogniet, 1831

Deux hommes lui porteront chance et l’influenceront. Son frère aîné, Joseph, professeur de littérature grecque et passionné de langues orientales qui, décelant le génie en lui, contribuera largement à sa réussite en prenant en charge son instruction dès l’âge de 11 ans. Et, indirectement, le futur général Bonaparte qui, à la même époque, fut envoyé en expédition en Égypte, à la fois pour combattre les Anglais mais aussi pour s’enrichir de la culture du pays. Il partait accompagné de 600 savants.

L’Égypte ancienne est à la mode, ce qui va influencer sans doute la curiosité intarissable du jeune Jean-François pour les hiéroglyphes, clés de compréhension de la grande civilisation disparue. À 11 ans, Champollion quitte Figeac pour Grenoble où il poursuit ses études sous la protection de son grand frère. Il connaît déjà parfaitement le latin et le grec. Pour son plaisir, il apprend l’hébreu le soir, quand tout le monde dort.

« Je les lirai un jour »

Le préfet de Grenoble, Joseph Fourier, un savant mathématicien, visitant son lycée, est fasciné par l’intelligence du garçon qu’il invite à la préfecture. Et, justement, le préfet a fait partie de l’expédition napoléonienne en Égypte, d’où il a rapporté des vestiges, des images et ces inscriptions qui ressemblent à des rébus que personne n’a jamais décodés. « Je les lirai un jour », dit-il au préfet.
Celui-ci, admiratif, offre à l’élève les livres des langues qu’il veut apprendre. Et notre génie en herbe choisit l’arabe, le chaldéen, l’indien et le copte (héritage chrétien de l’égyptien), qu’il veut parler couramment ; et même le chinois ancien.

À 15 ans (1807), Jean-François présente à l’académie de Grenoble un livre, L’Égypte des pharaons, devant un auditoire émerveillé ; ce qui lui vaut d’être élu académicien un an plus tard. À 18 ans, il est docteur et professeur à l’université de Grenoble. On n’y avait jamais vu un professeur si jeune et si brillant.

La pierre de Rosette

Un des officiers de Bonaparte a fait en Égypte une découverte linguistique fondamentale en tombant sur la désormais célèbre pierre de Rosette ; c’est une stèle en granit noir dont les inscriptions accéléreront les recherches de Champollion alors que d’autres grands chercheurs, tel l’Anglais Thomas Young, vont s’y casser les dents. Et que son ancien professeur, Antoine Sylvestre, deviendra son détracteur. Par jalousie, sans doute !

Le surdoué réussit à se procurer une copie de la fameuse pierre, laquelle a pour caractéristique d'être écrite en deux langues et trois écritures : hiéroglyphes, égyptien populaire et grec.
En s’appuyant, également, sur l’immense documentation rapportée d’Égypte, entre autres sur l’obélisque de Philae et sur le temple d’Abou Simbel, notre génie va faire des recoupements et dénouer l’extrême complexité des hiéroglyphes.
En résumé, chaque dessin peut correspondre à un son, à une syllabe ou un mot entier (phonogramme) ou bien à une idée (idéogramme). Et tous peuvent se combiner. Quand on sait que le sens des hiéroglyphes a lui-même évolué au cours des siècles et que la lecture peut se faire de droite à gauche ou inversement selon le profil des personnages, cela donne une idée du « casse-tête chinois » !

Le carnet de notes de Champolion

Un seul précurseur, l’abbé Barthélémy, un archéologue, avait découvert un siècle plus tôt que les rares mots entourés d’un cartouche (boucle ovale) correspondaient aux noms des rois. Ramsès, Ptolémée, Cléopâtre sont ainsi identifiés et Champollion élabore un premier alphabet phonétique.

Champollion meurt d'épuisement à 41 ans

Le 14 septembre 1822, les hiéroglyphes n’ont plus de secret pour lui. C’est comme si toute la civilisation égyptienne se révélait sous ses yeux. Il se précipite pour aller l’annoncer à son frère et s’écroule par terre, inanimé par l’émotion et la fatigue. Il reste cinq jours dans le coma. Puis reprend son propos tranquillement en se réveillant.
Il a enfin le temps de réaliser son rêve, de 1828 à 1830, en mettant pour la première fois les pieds en Égypte - une mission scientifique financée par le gouvernement - avant de mourir trop jeune, épuisé par ses travaux en 1832. Il n’a que 41 ans.

Le plus bel hommage rendu à Champollion restera sans doute le cadeau de l’Égypte reconnaissante : l’obélisque de Louxor, qui se dresse désormais sur la place de la Concorde à Paris, dans l’alignement de l’Arc de Triomphe et du Louvre : 22 mètres de haut, 230 tonnes de pierre et 3.300 ans d’âge.

Picture of Antoine de Quelen
Antoine de Quelen
Ex-publicitaire et rédacteur pour la télévision

Vos commentaires

11 commentaires

  1. « Le nombrilisme parisianiste » cité en commentaire précédemment est effectivement une jacobine plaie française ! Même CNEWS prend fatalement  » en continu » le chemin de cette suffisance parisianiste d’atmosphère et commence vraiment à exaspérer . Pour info !

  2. Et ce n’est pas terminé: Monsieur François DESSET, archéologue, est parvenu à déchiffrer l’ élamite linéaire, une écriture iranienne du troisième millénaire avant notre ère. Malheureusement, il est aujourd’hui proscrit dans l’Iran des mollahs. Que fait notre diplomatie ?

  3. Donc espoir de toujours déchiffrer cet impossible qui n’est toujours pas français? Un autre Champollion aujourd’hui ? Avec un Bonaparte en sus ? Aux êtres exceptionnels conditions exceptionnelles ! Il doit donc bien rester encore quelques lanternes à Paris et ça ira ça ira !

  4. Il faut lire et/ou relire Lacouture (Champollion, une vie de lumières) et Ceram (des Dieux, des tombeaux, des savants). Merci pour cet article.

  5. Un génie qui est né dans un terreau propice tant par sa famille qu’à l’époque. De tels exemples se devraient d’être enseignés à notre jeunesse.

  6. Un génie si précoce et disparu bien trop tôt, comme Blaise Pascal. On dit que ce sont les meilleurs partent trop tôt, serait-ce hélas vrai ?
    A propos de l’obélisque de Louxor, la France serait bien inspirée de la rendre à l’Egypte, car son pendant l’attend toujours à sa vraie place. Ce serait au titre du respect du patrimoine des nations et des cultures. Et ce serait un acte salué par le monde entier, d’un grand honneur de la part de la France. Ce serait aussi un geste amical envers l’Egypte, très utile à notre diplomatie. Pauvre France, aujourd’hui si méprisée dans le monde, elle pourrait ainsi susciter un peu d’admiration.
    Ce serait aussi l’occasion de produire enfin une oeuvre d’art française contemporaine de qualité, place de la Concorde, face à l’Assemblée nationale. Plutôt que vouloir, de façon absurde, changer les vitraux de Notre Dame de Paris, voilà un concours d’artistes (français, s.v. p., un tel emplacement, Place de la Concorde, mérite une oeuvre française) qui serait bienvenu = la France peut-elle encore produire une oeuvre d’art de très grande qualité ?

    • je croyais que cet obélisque était un cadeau de l’Egypte. Si c’est bien le cas, ce serait refuser un cadeau. Vérifions nos sources.

    • Oui, cela ne se fait pas et c’est même vexant. On ne rend pas un cadeau. D’autant que, au milieu de la place de la Concorde, l’obélisque fait parler de l’Égypte beaucoup mieux que partout ailleurs dans le monde

  7. C’était au temps ou Paris n’étouffait pas la province. Malgré ses défauts Napoléon (un provincial) a su détecter et s’entourer de provinciaux de génie : militaires ou savants. Très majoritaires auprès de lui. Le nombrilisme parisianiste empêche désormais cela.

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