Le général de Villiers : combien de divisions ?

pierre de villiers

C'est la question que l'on doit se poser anxieusement dans bien des chaumières, en ce moment. Celle de la rue du Faubourg-Saint-Honoré, évidemment, chez les LR qui ne savent plus très bien où ils en sont de leurs périodes glaciaires, et, bien sûr, au RN.

Le seul fait que l'irruption de cette personnalité issue de la société civile, comme on dit, fasse jaser dans ces trois écuries qui pensent que la course pour 2022 leur ait réservée est une réussite. Réussite, car les chaumières de France, via le sondage de Valeurs actuelles, ont répondu qu'elles seraient prêtes, à 20 %, à voter pour Pierre de Villiers s'il était candidat. 20 %, ce n'est pas rien, surtout après un petit galop d'essai médiatique d'un mois. C'est le niveau de qualification. La cour des grands.

En effet, l'événement Pierre de Villiers constitue aussi un révélateur de la situation politique à droite, au sens très large, et d'abord de son marasme, de ses divisions, de l'obsolescence de ses partis. Avec ses 20 % gagnés en une campagne, quand les leaders patentés de la droite peinent à les rassembler depuis dix ans, il montre l'ampleur des attentes insatisfaites. Du centre droit aux électeurs du RN en passant par les LR, sa candidature est capable de ratisser sur tout l'axe, du macronisme au lepénisme. Alors, se poser la question des divisions - structures, parti - du général de Villiers n'a plus grand sens quand le macronisme, LR et RN, qui ont pourtant pignon sur rue, peinent, eux, à attirer le chaland (voir les dernières municipales).

Cela a été dit, et cela est ressenti par une grande part de l'électorat : Pierre de Villiers dispose de nombreux atouts face à ses éventuels rivaux. Face à Emmanuel Macron, d'abord. Une phrase du gilet jaune Jérôme Rodrigues citée par Valeurs actuelles dit tout et pose le cadre du combat, si c'est celui-là qui devait avoir lieu : « C'est le premier qui a osé dire merde à Macron. » Le général a été, dès juillet 2017, le premier révélateur de la personnalité d'Emmanuel Macron. Effectivement, un tel étendard peut rassembler beaucoup de Français, et au-delà de la droite. Face à Marine Le Pen, le général de Villiers coche les cases qui lui sont constamment opposées : l'expérience de la haute administration, les réseaux et une capacité à rassembler et à rassurer.

Enfin, Pierre de Villiers est un révélateur tout aussi cruel des carences de LR : trahisons, absence de ligne claire et de convictions. S'il parvient à mobiliser des électeurs de ces trois droites, c'est qu'il incarne mieux qu'eux ce que ces chefs devraient être. C'est cruel pour eux, mais d'une redoutable efficacité pour lui : il peut non seulement les distancer, mais se les rallier, au besoin. On voit mal un parti LR résiduel donné à 8 % ne pas se ranger derrière lui. Même chose du côté d'un macronisme qui ne ferait plus recette. Et même, par son profil de militaire et de « frère de », il rallierait facilement la part villiériste du RN. Voilà pour l'état des lieux et la haie d'honneur.

Néanmoins, une petite musique hostile monte des réseaux sociaux de la « droitosphère ». Pour Damien Rieu, le général de Villiers serait « de gauche ». Pour Jean-Yves Le Gallou, ce serait « le général Rantanplan » avec des idées d'il y a quarante ans sur les questions d'immigration et d'intégration : « C’est parce qu’il est à côté de la plaque que le brave général #Rantanplan est promu par les médias » (tweet du 20 novembre). L'un comme l'autre dénoncent son positionnement rassembleur et centriste. On dit, d'ordinaire, qu'un candidat doit d'abord cliver pour se lancer, puis rassembler. Le théorème est vrai pour un homme politique qui a besoin de sortir du lot et du flot de compromissions qu'il traîne. Mais pour un général, c'est plus discutable : il a d'abord des gages à donner, aux médias, au centre, et même à la gauche. La France est ainsi faite. Et, vu le résultat du sondage, la stratégie ne fut pas mauvaise.

Quelle que soit la suite de l'aventure, le général de Villiers a montré qu'il était possible de rassembler largement à droite, que les divisions étaient bien là, mais que c'est le chef qui manque.

Frédéric Sirgant
Frédéric Sirgant
Chroniqueur à BV, professeur d'Histoire

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