Le Danemark vient d'adopter une loi prévoyant que tout demandeur d'asile serait envoyé dans un centre d'accueil situé en dehors de l'Union européenne. Le pays d'accueil, moyennant finances, s'occuperait de tout. Le migrant qui se verrait refuser le statut de réfugié devrait quitter le pays tiers. Dans le cas contraire, il y demeurerait : en aucun cas il ne pourrait rejoindre le Danemark. Une bonne idée pour éviter l'afflux d'immigrés ou une fausse bonne idée ?

Ce texte, adopté jeudi par 70 voix contre 24, ne sera applicable que si un pays accepte de recevoir un centre d’accueil. Des discussions seraient en cours avec l'Égypte, l'Éthiopie et le Rwanda. Cette initiative suscite l'inquiétude d'associations humanitaires, de l'Union européenne et de l'ONU, qui craignent qu'elle ne remette en cause la protection du droit d'asile. Mais elle ne règle en rien la question de fond.

Cette façon de sous-traiter les dossiers des demandeurs d'asile peut, à juste titre, paraître cynique et hypocrite. On ne se prononce pas contre le droit d'asile, mais on en laisse la gestion à d'autres pays en les rémunérant, on se refile la patate chaude. Ce projet illustre, cependant, le rejet grandissant de l'immigration dans l'opinion. Notons que c'est un gouvernement social-démocrate qui l'a porté.

« Nous devons nous assurer que peu de gens viennent dans notre pays, sinon notre cohésion sociale ne peut prévaloir », estime, non sans raison, l'actuel Premier ministre, Mette Frederiksen, qui reprend les arguments du Parti populaire danois (DF). Mais ce revirement est-il sincère ? Ou s'explique-t-il par des arrière-pensées électorales ? Cette stratégie lui a permis, en effet, de gagner le vote de la classe ouvrière.

Faut-il lui en faire grief ? Après tout, l'électoralisme est, pour de nombreux dirigeants, une composante de la démocratie. Emmanuel Macron n'y échappe pas, qui, pour augmenter sa clientèle électorale, n'hésite pas, dans bien des domaines, à prendre des positions contraires à ses convictions. Peut-être le verra-t-on bientôt emboîter le pas au Danemark et proposer de semblables mesures. Comme disait Edgar Faure, ce n'est pas la girouette qui tourne, c'est le vent !

Le projet de sous-traitance adopté au Danemark, à supposer qu'il soit applicable, est discutable à plus d'un titre. C'est une forme de mépris pour les pays, s'il s'en trouve, qui accepteraient d'entrer dans ce jeu. Et il ne fait que repousser provisoirement le problème. En outre, s'il est concevable dans un pays où les demandeurs d'asile n'affluent pas – le Danemark est un petit pays, qui n'a enregistré que 1.547 demandes d'asile en 2020 –, il n'est guère transposable en France, qui présente, pour les immigrés, légaux ou clandestins, de nombreux avantages.

Seule une politique d'ampleur peut restreindre le flux migratoire. Il faudrait commencer par limiter l'attractivité de la France. Non pas se replier égoïstement sur soi, mais admettre que certaines populations sont plus aptes que d'autres à s'intégrer et en tirer les conséquences. Lutter contre le trafic des passeurs et de leurs complices, faire en sorte que les frontières ne soient pas des passoires. Parallèlement, apporter des aides au développement des pays d'où partent les migrants et en contrôler l'usage.

Bref, le devoir d'un pays est de prendre le problème de l'immigration à bras-le-corps, d'avoir la volonté politique de trouver des solutions pour le résoudre, non de s'en débarrasser en le refilant à d'autres.

2530 vues

09 juin 2021 à 10:00

La possibilité d'ajouter de nouveaux commentaires a été désactivée.

Les commentaires sont fermés.