Le constat d’échec est terrible pour Emmanuel Macron. En effet, à trois jours de l’« acte IV » – nouvelle manifestation des gilets jaunes - par l’intermédiaire du porte-parole du gouvernement, Benjamin Griveaux, le chef de l’État demande "aux forces politiques et syndicales de lancer un appel clair et explicite au calme". Face au chaos qui menace le pays, celui qui avait la prétention d’incarner le retour de l’autorité de l’État à lui tout seul, aujourd’hui, en est réduit à appeler au secours ceux-là mêmes dont il avait programmé la fin : les partis, les syndicats, ces fameux « corps intermédiaires ».

Que signifie cet appel ?

D’abord, il ressemble beaucoup à une tentative d'Emmanuel Macron de se décharger un peu d’un poids, visiblement trop lourd pour lui. Une manière de faire reporter une part de la responsabilité du désordre actuel sur ses oppositions alors que c’est lui qui a allumé le feu (on ne va pas refaire, ici, le film). En clair, si l’on ne répond pas à cet appel d’Emmanuel Macron, cela signifie implicitement que l’on est du côté de l’insurrection. Que si les choses se passent mal samedi, ce sera leur faute. C’est pas moi, madame, dira le petit garçon à la maîtresse, c’est les autres qui font rien qu’à m’embêter. Et le Premier ministre, à la tribune de l’Assemblée, mercredi après-midi, ne dit pas autre chose en déclarant que les politiques et éditorialistes seront "comptables" de ce qui se passera dans les prochains jours. Qui, alors, est comptable des événements de samedi dernier ? Pas Emmanuel Macron, pas Édouard Philippe, pas Christophe Castaner ? Il ne semble pas qu’aucun parti d’opposition, de gauche comme de droite, aucun journal n’ait appelé à la violence, à piller et casser. Avouons que la ficelle est un peu grosse... et usée.

Mais cet appel jette aussi une lumière cruelle sur la perte totale d’autorité du chef de l’État. Comparaison n’est pas raison, mais imagine-t-on le général de Gaulle en appeler aux forces politiques et syndicales pour mettre fin à la chienlit ! En d’autres temps, la seule apparition du président de la République en majesté depuis le palais de l’Élysée, dans un face-à-face essentiel avec le peuple, aurait suffi pour ramener l’ordre et le calme. Pour l’heure, une allocution du président de la République n’est pas envisagée. Est-ce parce qu’il est conscient que sa parole est aujourd'hui démonétisée et qu'elle ne serait pas de nature à ramener le calme, tant est grand le rejet de sa personne ? Le chef de l’État doit désormais se terrer dans son palais et appeler au secours ceux qu’il méprise. Même s’il s’agissait sans doute d’une poignée de manifestants, l’épisode malheureux du Puy-en-Velay, où l’on a vu un Président se faire huer, en dit long sur cette perte d’autorité d’Emmanuel Macron.

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05 décembre 2018 à 16:54

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