Emmanuel Macron est enfin entré en campagne. Certes, sa réélection est plausible, mais la victoire de Marine Le Pen n’est pas non plus impossible, tel que récemment noté en ces colonnes. Et là, puisque les meilleures soupes sont généralement faites dans les vieux pots, voilà que le Président sortant nous ressort les ancestrales recettes du front républicain, fondées sur l’antilepénisme le plus primaire.

Étrange, pour un homme qui est tout, hormis sot ! Jérôme Sainte-Marie, sondeur et essayiste bien connu de nos lecteurs, décrypte l’affaire dans Le Figaro< Magazine de ce vendredi 15 avril : « Il est ironique que sa campagne du premier tour se soit faite en ayant les yeux rivés sur l’ancien électorat de François Fillon, et que celle du second tour se concentre sur celui de Jean-Luc Mélenchon. Après tout, c’est assez logique, puisque les deux candidats ne se revendiquent ni de gauche ni de droite. Cela dit, Emmanuel Macron ne peut pas donner de gages trop forts à la gauche au risque de perdre l’électorat de droite. Il ne peut donc faire qu’une campagne négative contre Marine Le Pen. »

Nous y voilà, avec le retour de la vieille rengaine « antifasciste », digne des tournées Âge tendre et tête de bois. Florilège. En visite au Havre, ce jeudi : « Je combats le projet qui est en face de moi, celui de l’extrême droite, qui est de mettre fin aux énergies renouvelables. » Sur France 2, le même jour : « Le vrai visage de l’extrême droite revient. C’est un visage qui ne respecte pas les libertés, le cadre constitutionnel, l’indépendance de la presse et des libertés fondamentales, des droits durement acquis qui sont au cœur de nos valeurs, comme l’abolition de la peine de mort. »

Et tout ça pour quoi ? Parce que Marine Le Pen entend démanteler ces parcs d’éoliennes défigurant nos paysages pour un gain énergétique plus qu’incertain. Et aussi parce que les journalistes de « Quotidien », emblématique émission de la chaîne TMC, se sont vus refuser leur accréditation à sa dernière conférence de presse. Quitte à nous montrer mesquins, ceux de Boulevard Voltaire ne le sont pas plus à l’Élysée et nous n’en faisons pas une tourte aux poireaux pour autant (pour l'instant). Quant à l’appel référendaire au peuple, il ne paraît guère plus incongru, sachant qu’en démocratie, c’est encore lui qui est censé décider en dernier recours.

Ces derniers jours de campagne sont d’autant plus effarants qu’en même temps, le Président accorde au Point (12/4/2022) un entretien à peu près aussi long que les traditionnels discours du défunt Hugo Chávez – près de vingt pages, ce n’est pas rien –, à l’occasion duquel il ne se prive pas d’aller longuement braconner sur les terres de cette même extrême droite.

Et d’ainsi affirmer : « Le progressisme brandi comme un étendard peut parfois apparaître comme une fuite en avant sans borne, comme une dépossession de ce qui est. Or, les sociétés occidentales ne veulent pas de cela, être dépossédées. Les gens veulent avancer dans leur vie qui est trop contrainte, trop empêchée, et le pouvoir d’achat en est le symbole ultime ». Il persiste et signe. « Oui au neuf, à l’optimisme, à la conquête. Mais non au renoncement à notre Histoire et à nos racines. Cette tension entre tradition et modernité est au cœur de l’Histoire française. C’est ce que raconte Péguy : entre le sacre de Reims et les Fédérés, entre l’enracinement et la projection. »

Voilà qui est beau comme du Zemmour ou du Le Pen. Les électeurs de droite seraient bien nigauds de s’y laisser prendre, tant la ficelle est épaisse et le piège grossier. Emmanuel Macron en appelant aux mânes de Charles Péguy ? C’est un peu Sandrine Rousseau qui se prendrait pour Hannah Arendt.

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15 avril 2022 à 17:45

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