La politique d’immigration australienne, dont on a vanté la fermeté face aux trafiquants de chair humaine, passeurs et autres gangs mafieux, se serait-elle pris les pieds dans le tapis ? Plusieurs journaux de la presse internationale et française annoncent, en effet, que les services secrets du pays auraient payé des passeurs pour qu’ils retournent en Indonésie, d’où ils provenaient, avec leur embarcation chargée de quelque 65 clandestins.
Comme toujours, l’information doit être prise avec précaution. Sa source ? Les passeurs eux-mêmes et les 65 clandestins. Passeurs indonésiens qui exercent leur coupable trafic avec tant de facilités qu’ils auraient pu convoquer une conférence de presse pour annoncer avoir reçu 26.000 euros afin de retourner au pays ? Immigrés clandestins désireux de se faire repérer par la police indonésienne au point de clamer publiquement la chose ? Tout cela laisse sceptique.
Cependant, le Premier ministre australien, Tony Abbott, n’a pas démenti devant les parlementaires. Les journalistes en déduisent aussitôt que les faits sont avérés : le silence coupable, l’adage « qui ne dit mot consent », font du chef du gouvernement un coupable idéal. Le Haut Commissariat aux réfugiés (HCR) s’est immédiatement saisi du sujet : « Nous devons sévir contre les passeurs et leur trafic, a dénoncé le haut commissaire António Guterres. Pas les payer."
Tout cela sent mauvais. Non que cela soit invraisemblable : aucun pays n’échappe un jour ou l’autre à ce type de dérives. Mais la cible est trop belle. La fermeté du gouvernement conservateur australien déplaît. Son souverainisme, sa lutte implacable contre le trafic d’êtres humains, son combat contre les passeurs et son refus de les accepter sur son sol gênent bien du monde sur notre planète. D’abord parce que l’Australie est un État de droit, une démocratie d’envergure internationale. Ensuite parce que c’est une puissance régionale importante et une nation au domaine maritime très étendu. Le Japon est loin et surpeuplé, ce n’est pas une terre d’immigration. Les seuls pays de la région qui peuvent offrir aux populations asiatiques l’eldorado dont elles rêvent sont l’immense Australie et la verte Nouvelle-Zélande. Des nations souveraines qui n’entendent pas se laisser envahir par toute la misère du monde. Sans compter l’aspect religieux : l’Indonésie est le plus grand pays musulman du monde. Y sévissent des islamistes désireux, comme ailleurs, de prendre pied dans les pays chrétiens de la région. Dont l’Australie fait partie. Pôle « occidental » au flanc de l’Asie, l’ancienne colonie britannique attire, fait des envieux, et surtout est sous-peuplée.
Ajoutons à cela les relations exécrables avec le voisin indonésien depuis l’exécution de deux Australiens condamnés à mort pour trafic de drogue, et tous les éléments sont réunis pour qu’une bande de mafieux du genre des négriers de Coke en stock déclarent spontanément à la très démocratique police indonésienne qu’ils ont été payés pour faire demi-tour… Et, par un curieux hasard, l’ONU a violemment critiqué l’opération « Frontières souveraines » en mars dernier, critiques auxquelles Tony Abbott a répondu n’avoir aucune leçon à recevoir de l’organisation internationale.
Prudence, donc, face à ces déclarations trop opportunes pour être crédibles sans de sérieuses vérifications. Mais si cela est vrai, c’est consternant. Non seulement parce que payer des trafiquants pour qu’ils reviennent à leur port de départ alors qu’ils ont déjà touché des sommes importantes des clandestins a un aspect profondément immoral. Mais encore parce que cela risque de décrédibiliser cette politique migratoire qui devrait servir d’exemple au reste du monde, à la France au premier chef.
Enfin, à condition que nous trouvions un Tony Abbott chez nous…
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