Jean-Frédéric Poisson est menacé d’être écarté des primaires de la droite pour avoir dit que "la proximité de Mme Clinton… et sa soumission aux lobbies sionistes sont dangereuses pour l’Europe et la France."
De quoi s’agit-il ? En quoi le fait de se méfier du sionisme pourrait-il constituer un problème pour la classe politique française ?
Le sionisme est un mouvement politico religieux ancien dont l’objectif initial était de créer un État juif en Palestine. Le but ultime, c’est le retour à Sion, l’une des collines de Jérusalem, dans l’ancien royaume d’Israël.
L’action politique a, depuis très longtemps, pris le pas sur le volet religieux. Aujourd’hui, il s’agit de soutenir l’État d’Israël.
Pour ce faire, aux États–Unis, l'"American Israel Public Affairs Committee", groupe de pression parmi les plus puissants, s’est créé en 1951, avec la vocation affichée de veiller au maintien d’une politique étrangère américaine favorable à Israël. L’objectif est clair: obtenir de l’État américain l’appui inconditionnel à la politique israélienne. Il n’y a, là, aucune théorie du complot, contrairement à ce que prétend Thierry Solère, organisateur des primaires. Les dîners de l’AIPAC sont les plus courus d’Amérique. Les politiques s’y pressent, y prennent la parole et promettent, sachant que le tout sera abondamment relayé par les médias.
En revanche, on sait madame Clinton très proche de l’AIPAC, dont elle est « la » candidate. Elle dit, elle-même, qu’elle "est de la famille".
Cette organisation, qui a fortement influencé, si ce n’est dicté la politique américaine au Moyen-Orient, connaît aujourd’hui quelques déceptions. Par exemple, la normalisation en cours des relations avec l’Iran, voulue par Barack Obama au grand dam de Hillary Clinton. Cette dernière ne s’en est accommodée, avec réticence, que pour ne pas perdre l’appui d’Obama dans sa course à la présidence. Inutile de préciser que ce changement de cap inquiète sérieusement Israël, qui espère que la politique américaine rejoindra une ligne plus conforme à ses vœux si Hillary Clinton accède aux responsabilités.
La politique voulue par Obama, dont il est évident qu’il envisage des limites au sionisme, est-elle antisioniste ? Considère-t-il que la politique israélienne actuelle est dangereuse pour la stabilité de la région ? Serait-il antisémite, raciste ?
Confondre antisionisme et antisémitisme est une faute grave si l’amalgame est intentionnel. Dans le cas contraire, c’est une navrante preuve d’ignorance, impardonnable lorsqu’elle provient d’un personnage ou d’un groupe politique.
Manuel Valls avait fait cet amalgame au dîner du CRIF en mars dernier. Libération, Le Monde, L’Orient-Le Jour, etc., ont pointé et largement commenté cet impair. Est-il nécessaire de rappeler avec eux que l’antisémitisme, comme tout racisme, est combattu et condamné. L’antisionisme, opposition à la politique de l’État israélien, n’a aucun rapport avec le racisme.
Jean-Frédéric Poisson est un homme politique et, en tant que tel, annonce ses choix pour ce qui concerne la politique étrangère de son pays. Sans porter aucun jugement sur la pertinence de ses options concernant le Moyen-Orient, on peut s’interroger. Souhaite-t-il, comme Barack Obama et contre l’avis de l’AIPAC, que deux États cohabitent en Palestine ? Que l’Iran participe à l’équilibre de la région ? Qu’Israël freine l’expansion de ses colonies ? Pense-t-il que l’apaisement est bon pour la France, pour l’Europe ? Craint-il que les options de l’AIPAC s’imposent avec Clinton ?
Chacun pensera ce qu’il veut à cet égard, mais on ne peut accepter que ce choix géostratégique soit interdit au nom de principes religieux, d’un antiracisme maladif ou de la bien-pensance.
Ne voudrait-on pas, plutôt, coller à Jean-Frédéric Poisson une étiquette infamante pour le discréditer ?