Ils ont chanté l'hymne breton sur les marches de l'Assemblée nationale pour saluer l’adoption par le Parlement, jeudi 8 avril, d’une loi pour protéger et promouvoir les langues régionales. Un résultat inattendu, obtenu par 247 voix pour, 76 votes contre et 19 abstentions, malgré l’opposition du ministre de l’Éducation nationale Jean-Michel Blanquer et du groupe LREM. « C'est un jour historique pour la langue bretonne et toutes les langues régionales », se réjouit Paul Molac, qui a porté cette loi à l'Assemblée nationale. « Nous avons du retard, mais c'est important car c'est la première fois que la République reconnait nos langues avec une loi. Et elle est passée très largement à l'Assemblée ».

Du retard, certes… mais nous n’allons pas bouder notre plaisir, car jusqu'ici, la France se refusait – et se refuse toujours - à ratifier la Charte du Conseil de l’Europe destinée à protéger et favoriser les langues historiques régionales. « Ce qui est en jeu, estime encore le député breton Paul Molac, c’est l’existence même du patrimoine culturel que nous portons, en Corse, en Bretagne, en Alsace et Moselle, en Catalogne, en Flandre, en Savoie, au Pays basque, dans l’ensemble occitan et dans bien d’autres régions françaises attachées à leurs particularités culturelles et linguistiques ».

La loi Molac a pour double objectif de « protéger et de promouvoir la protection, la promotion et la visibilité des langues régionales », prévoyant notamment la possibilité de passer des conventions entre l’État et les régions en vue de favoriser l’enseignement (non obligatoire) des langues régionales. Par ailleurs, la signalétique bilingue est désormais reconnue dans la loi, autorisant les services publics à recourir à des traductions en langue régionale, par exemple sur les bâtiments publics, les panneaux de signalisation, mais aussi dans la communication institutionnelle.

Certes, nos compatriotes sont volontiers régionalistes : chaque été, on va se « bretonniser » sur la route des calvaires du Morbihan ou du Finistère ou se trémousser en occitan du côté de Montségur ou vocaliser dans le maquis de Porto-Vecchio en s’extasiant devant les petits mouflons corses. Mais de retour à Paris, l’on ne sera pas surpris que, de Marine Le Pen à Mélenchon, la droite et la gauche, à de rares exceptions, s'accorderont comme un seul homme pour s'opposer aux défenseurs de la légalisation des langues régionales. Même sur Boulevard Voltaire mes excellents confrères, volontiers jacobins, ne manqueront pas de me tomber dessus à bras raccourcis, emboîtant le pas à Michel Onfray qui s’était fendu, sur ce thème, d’une tribune dans Le Monde pour dénoncer « les indépendantistes régionaux, qui font de la langue un instrument identitaire, un outil de fermeture sur soi, une machine de guerre anti-universelle, autrement dit un dispositif tribal ».

Alors, rassurez-vous, braves thuriféraires de la France « une et indivisible », cette loi, comme la Charte des langues minoritaires du Conseil de l’Europe, ne veut pas remettre en cause la suprématie de la langue de Molière, il s’agit simplement d’assurer un minimum vital de protection juridique, de reconnaissance et de soutien à leurs langues et cultures régionales que réclament Alsaciens, Basques, Bretons, Catalans, Corses, Flamands et Occitans. La France, avec cette loi, appliquera enfin chez elle ce qu’elle prêche à l’étranger quand elle défend la francophonie au Québec ou en Louisiane.

À propos, parler corse, breton ou alsacien n’a jamais empêché quiconque de devenir « d’excellents Français », comme le chantait Maurice Chevalier. N’est-ce pas Napoléon, également, qui disait de ses généraux baragouinant l’alsacien : « Pourvu qu’ils sabrent français. »

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09 avril 2021 à 12:16

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