Laisserons-nous détruire nos églises du XIXe « sans grand intérêt » ?

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Faut-il (sérieusement) s’inquiéter pour nos églises de campagne (et d’ailleurs) ? Cela s’est passé dimanche, sur le plateau de France 5. Invitée à s’exprimer sur le patrimoine, l’ancien ministre de la Culture Roselyne Bachelot annonce tout de go qu’il va « falloir choisir ». Selon elle, « il y a un patrimoine cultuel du XIXe siècle qui n’a pas un grand intérêt ». La journaliste la pousse dans ses retranchements : « Il faudra donc les raser ? » Roselyne Bachelot ne dit pas non. C’est une option… qu’elle complète néanmoins par une alternative : « Ou il faudra que les citoyens intéressés se prennent par la main et décident de sauver telle ou telle église », car « on ne pourra pas demander à l’État ». « Il faut que l’État et les collectivités publiques se recentrent sur un patrimoine notoire », conclut-elle.

Sauf que l’État, par deux fois, s’est emparé de ces biens religieux : en 1789, puis en 1905. Les faisant sa propriété, il s’est engagé contractuellement à les entretenir. Maintenant qu’il les a laissés se dégrader, il parlerait pudiquement de se « recentrer », les « citoyens intéressés » (sic) n’ayant qu’à se débrouiller avec le reste ? Mais qu’est-ce, au juste, que le « patrimoine notoire » ? Et les « citoyens intéressés », par leurs impôts, ne participent-ils pas déjà largement à l'effort et même au-delà du raisonnable ?

On le sait, à l’instar de Roselyne Bachelot, il est de bon ton d’affirmer dédaigneusement que « le XIXe n’a pas grand intérêt ». À côté du XVIIIe, peut-être, selon les puristes. Mais comparé au XXe et au XXIe, c’est au contraire un siècle de splendeur architecturale et artistique. Les touristes ne s’y trompent d’ailleurs pas. Le Paris haussmannien est XIXe, le palais Garnier est XIXe, la flèche de Notre-Dame est (était) XIXe… la grande mosquée de Paris est XIXe ! Entre acquérir des « chefs-d’œuvre » d’art contemporain pour ronds-points moches et entretenir l’église qui, avec le petit château local, constitue la curiosité historique de leur patelin, le choix des locaux sera vite fait. Sauf qu'ils ne seront pas consultés. En guise de clochers et de donjons, la France périphérique est-elle condamnée à avoir pour tout horizon un bouquet d’éoliennes ? Rutilantes, elles, et pour lesquelles on ne regarde pas à la dépense…

Roselyne Bachelot a déjà joint l’acte à la parole : c’est sous « son règne » que les pelleteuses ont détruit, à Lille, la chapelle Saint-Joseph construite par l’architecte Auguste Mourcou en 1886. Une pétition de 12.400 signatures, la mobilisation de personnalités comme Stéphane Bern, les déclarations d’un inspecteur général honoraire des monuments historiques selon lequel cet édifice, « en bon état », était « un exemple unique en terme architectural, un conservatoire de savoir-faire et un témoignage historique de la présence des jésuites à Lille » n’y ont rien fait.

Sur un budget de plus de 10 milliards, le ministère de la Culture n’en alloue qu’un seul au patrimoine. Un autre est dévolu à la « création » et 3,7 milliards sont consacrés… à l’audiovisuel public. France Télévisions capte à lui seul près de 2,5 milliards. Deux fois et demi le budget consacré à notre patrimoine.

Dans sa phrase « il va falloir choisir », on comprend qu’il y a lieu d’établir des priorités. Chiche ! Inversons les budgets : 3,7 milliards pour un plan Marshall du patrimoine. Un milliard pour l’audiovisuel public sera déjà amplement suffisant. Pour ne pas dire bien trop.

La cancel culture, c’est aussi cela : entre faire vaciller une statue, une église, à grands coups de boutoir et la laisser à l’abandon jusqu’à ce qu’elle s’effondre, il n’y a qu’une différence d’horloge. Si, en l’an mille, selon les célèbres paroles du moine Glaber, la France s’est « couverte d’un blanc manteau d’églises », l’Histoire retiendra qu’à compter de l’an 2000, elle s’en est peu à peu débarrassée. Coïncidence ou vases communicants, la courbe du nombre de mosquées en France est inversée. Certains maires pragmatiques iront-ils jusqu’à proposer des accommodements ? Imaginer, à moyen ou long terme, pour plusieurs de nos églises, le destin de Sainte-Sophie d'Istanbul est-il complètement délirant... ou finalement assez plausible ? En un sens, Roselyne Bachelot, qui a toujours été saint Jean bouche d’or, n’a pas complètement tort : « Aux citoyens intéressés » et, donc, au premier chef, aux catholiques, de « se prendre par la main » en réinvestissant leurs lieux de culte. Ou ils seront perdus.

Gabrielle Cluzel
Gabrielle Cluzel
Directrice de la rédaction de BV, éditorialiste

Vos commentaires

70 commentaires

  1. « Un bouquet d’éoliennes pour tout horizon »? Accompagné d’une forêt de minarets? L’un d’eux vient d’être inauguré à Flers. 17 m de haut mais paraît-il, il n’aurait qu’une fonction purement esthétique. Pour l’instant.

  2. Depuis la Révolution et 1905 , les « biens de l’Eglise » appartiennent à la République ! Les législateurs de l’époque l’ont voulu ainsi . C’est donc à l’Etat de prendre en charge et l’entretien et la restauration des ces biens devenus patrimoine républicain … . Par nos impôts … Certes , des bâtiments très vétustes , voire dangereux , devront être démolis . Il en va ainsi de toutes les constructions publique et privées .
    Je ne suis pas catho réac . Mais Athée , Agnostique et Laïque … Et je participe au sauvetage d’une chapelle du XVe s. , classée monument historique ( collecte de papiers , journaux , etc.) … Avant qu’elle ne devienne … mosquée …

  3. Ancienne ministre de la Culture, Roselyne Bachelot annonce qu’on a construit trop d’églises en France et qu’il va falloir se résoudre à en raser (ou à les vendre à des particuliers), en particulier celles du XIXe siècle !
    ##
    Les raser et les remplacer pas des mosquées, sans doute!

  4. Le patrimoine ?… Cette dame n’est peut-être que l’idiot utile d’un système. Souvenons-nous de l’achat de ces 100 millions de doses soi-disant contre le H1N1 qui fut un bide. Peu après, le système se reprenait et rendait obligatoire 11 vaccins à administrer sur les petits enfants ; toujours en vigueur. Depuis le système s’est ressaisi pour (presque ?) parvenir à rendre le « vaccin » contre la Covid virtuellement obligatoire. Donc, sa prise de position sur le patrimoine, pour honorable qu’elle soit, prêtre au doute en sincérité.

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