Finalement, cette primaire de la droite et du centre aura été un beau succès télévisuel : une sorte de synthèse improbable des Rois maudits et de "Questions pour un champion". Huit millions de téléspectateurs lors du match final de jeudi dernier. À titre de comparaison, le débat de l’entre-deux-tours de la présidentielle entre Sarkozy et Hollande en 2012 avait rassemblé 17,8 millions de téléspectateurs et le débat de la primaire de la gauche en 2011, entre Hollande et Aubry, avait, lui, collé 5,9 millions de personnes devant le petit écran.
Oui, les Français se sont passionnés pour ce feuilleton aux multiples rebondissements : le départ en fanfare, dans la torpeur d’un été finissant, de celui qui pensait nous rejouer le retour de l’île d’Elbe et échapper à la malédiction de Giscard, l’insoutenable suspense autour de la qualification de NKM – aurait, n’aurait pas ses signatures, la pauvrette ? -, le ralliement baroque de Mariton à Juppé. Et puis, bien évidemment, la remontée du diable vauvert, comme dirait Laurent Gerra imitant le regretté Léon Zitrone, commentant le Prix de l’Arc de Triomphe, de celui pour qui, il y a encore trois mois, on n’aurait pas misé un euro dans la troisième à Deauville. Pour finir, brochant sur le tout, la descente aux enfers de celui qui sait désormais qu’être le premier de la classe ne suffit pas pour devenir le premier des Français.
Un feuilleton qui nous rappelle que la vie est bien cruelle, tout de même. Bruno le Renouveau voulait épater la galerie avec son programme de 1.000 pages. Un programme que personne n’a relu, lu et ne lira jamais : un magnifique travail collectif qu’on a déjà probablement oublié au profit d’un plan de bataille griffonné sur le coin de la nappe et dont les objectifs ont pour noms de code Matignon, le Quai ou Brienne ! On prend les paris.
Cruelle, aussi, la vie pour le maudit de la bande qui a enfilé les "zéro électeur" dans des centaines de bureaux de vote, comme d’autres enfilent des perles : car pour faire 0,3 % (moins de 12.000 voix), faut forcément faire le plein des vides en maints endroits. Pour celui qui a présidé le parti, le groupe UMP à l’Assemblée et été ministre de Chirac, la maxime du baron de Coubertin est quand même dure à assumer, faut reconnaître. Cruelle, enfin, la vie pour Jean-Frédéric Poisson, qui a découvert à ses dépens que les « valeurs » chez certains, c’est bien, mais que le principe de réalité, c’est mieux.
Un succès télévisuel, donc, que cette primaire qui nous a offert une tragédie comme on en donnait à l’époque de feu l’ORTF. Mais en même temps, un formidable jeu qui oblige le candidat à se transformer en véritable potache planchant devant un jury non pas de professeurs mais de journalistes, dont certains devraient songer à faire valoir leur droit à pension de retraite à jouissance immédiate (pour le téléspectateur, la jouissance). Cela ne frappe-t-il donc personne, de voir tous ces anciens hauts responsables de l’État passer plus de deux heures debout devant des journalistes, confortablement assis derrière leur table, qui se croient au grand oral de l’ENA ? Certes, on a vu Jean-Frédéric Poisson, Bruno Le Maire et François Fillon commencer à se rebiffer. Mais il serait temps, effectivement, que cesse ce "Tournez manège" qui, au final, contribue à déconsidérer la fonction politique. Imagine-t-on un général de Gaulle, debout derrière le pupitre de "Questions pour un champion", répondant au quizz de Michel Droit ? Autres temps, autres mœurs, me direz-vous. Certes. Au moins, chez Jean-Pierre Foucault, le candidat reste assis !
"La Primaire" Saison 1 est finie. Espérons que la Saison 2, organisée à gauche, sera tout aussi passionnante. Distribution des boîtes de jeux et autres lots de consolation au printemps prochain.
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