La « paire de c… » de Brune Poirson : la vulgarité, une conquête féministe ?

Poirson Chenu

On entend souvent dire par Éric Zemmour que la société s’est féminisée. Il est pourtant un registre dans lequel la virilité s’est imposée : le vocabulaire. Les jurons de corps de garde ont envahi toute la société, et dès l’école primaire, les fillettes, par peur de passer pour des quiches coincées, se sentent obligées de répéter toutes sortes de grossièretés à faire rougir un régiment de sapeurs, que l’on n’aurait jamais prononcées devant leurs grands-mères de peur de leur manquer de respect. Qui pour dénoncer cette victoire du patriarcat qui a colonisé le champ lexical ?

La toute charmante Brune Poirson vient d’en donner une éclatante illustration, pensant peut-être que la tonalité écolo de ces municipales devait se faire sentir jusque dans la verdeur du langage. À moins que son prénom propice à la contrepèterie sur lequel quelques dyslexiques ont dû déjà déraper - mais si, cherchez bien… - lui ait soufflé dans son subconscient cette grivoiserie. Opposée, sur un plateau de CNews, en cette soirée électorale, au député RN Sébastien Chenu, et peinant à lui répondre, la secrétaire d'État s’énerve d’un coup : « J’aurais dû apporter une paire de c…, la poser sur le plateau et j’aurais peut-être eu le droit de parler. » Comme disait Jacques Chirac, le problème, pour ce genre de greffe, c'est les donneurs : l’histoire ne dit pas de quel malheureux elle comptait faire un castrat, mais on ne saurait trop recommander aux collaborateurs de Brune Poirson, par mesure de prudence, de changer de métier ou de mettre leurs bijoux de famille dans un coffre à la banque.

Révolution copernicienne du féminisme, c’est Sébastien Chenu, endossant le rôle de la douairière victorienne, qui fait remarquer à Brune Poirson le caractère « déplacé » de son propos. Et dire qu’il fut un temps où l’on prétendait que la femme avait civilisé l'homme.

Schizophrénie assez commune dans son camp politique, Brune Poirson fustige sans doute la galanterie, cet abominable sexisme bienveillant, et entend s’exprimer, si ça lui chante, avec la distinction d’un Laurent Gerra doublé d’un Jean-Marie Bigard, mais considère que son interlocuteur devrait lui tenir la chaise, s’incliner bien bas, louer sa grâce et lui céder la parole, comme on cède le pas devant la porte de la salle à manger à une lady en crinoline. Las, toute starlette doit choisir dans quelle filmographie elle veut faire son cinéma : celle de Nicolas Bedos ou celle de Jane Austen ? Nous sommes en 2020 et le principe d’un débat est un peu toujours le même : chacun donne son avis, et peut même contredire son adversaire. Et disons-le, l’organe le plus utile pour s’en sortir victorieux n’est pas tant celui que l’on trouve sous la ceinture que celui qui se cache derrière les cheveux : le cerveau. Qui, lui, n’a pas de sexe.

Gabrielle Cluzel
Gabrielle Cluzel
Directrice de la rédaction de BV, éditorialiste

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