La nouvelle stratégie de l’Autriche pour pousser les récalcitrants à la vaccination

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En berne sur son taux de vaccination à 65 % qualifié par le chancelier de « honteusement bas », l’Autriche vient de prendre des mesures drastiques de restriction : confiner les non-vaccinés. La stratégie allie contrainte, amende et manipulation mentale dans un seul but : rendre impossible la vie de ces personnes pour les pousser, par ricochet, à la vaccination, mais sans donner le sentiment de les forcer. Un nudge dans sa plus belle expression : poser devant le non-vacciné la menace du bâton d’un côté (le confinement, une quasi-détention) et la carotte de l’autre (la vaccination et la liberté retrouvée).

Le jeu est particulièrement subtil dans la perversité : les non-vaccinés sont enfermés, mais ont droit à quelques sorties très limitées et soumises, elles-mêmes, à des restrictions. Selon Le Monde : « Ils ne pourront plus se rendre dans les commerces non essentiels ou aux traditionnels marchés de Noël. Ils pourront toujours aller au travail, moyennant des tests, ou au supermarché, et aussi conserver le droit de sortir “pour s’aérer physiquement et mentalement”. » En somme, ils peuvent sortir faire leurs courses alimentaires mais n’ont pas le droit d’acheter des cadeaux. À la veille de Noël, on peut dire que l’idée est inventive.

Depuis lundi, deux millions de non-vaccinés autrichiens sont donc contraints au confinement, sous peine de payer une modique amende de 500 euros. Et l’effet collatéral visé semble déjà atteindre son objectif : les inscriptions dans les centres de vaccination sont en forte hausse. Le chancelier, Alexander Schallenberg, la mine faussement contrite, a déclaré : « Ce n’est pas de gaieté de cœur que nous avons partiellement privé de liberté une partie de la population, mais la mesure a déjà un effet. »

Celui-ci a affiché clairement sa stratégie, dans un raisonnement particulièrement abscons : « Je veux amener les non-vaccinés à se faire vacciner et non enfermer les vaccinés », et ce, pour balayer, pense-t-il, les accusations de discrimination ou d’atteinte aux droits fondamentaux des citoyens. Il aurait pu tout aussi bien dire qu'il voulait amener les non-vaccinés à se faire vacciner en créant les conditions d’une vie impossible, par la contrainte de l’enfermement et la restriction de presque toutes leurs libertés. Cela aurait été plus juste.

Mais on voit bien, là encore, le processus à l’œuvre en filigrane : faire porter le chapeau aux non-vaccinés sur la reprise de l’épidémie, les stigmatiser, les jeter à la vindicte populaire. Cependant, on ne précise pas que, parmi ces non-vaccinés, se trouvent des personnes en bonne santé qui n’ont violé aucune loi et qui, pourtant, vont se retrouver enfermées.

Phrase révélatrice de ce jeu de division attisée entre les citoyens, le chancelier a déclaré : « Je ne peux imaginer que les deux tiers de la population soient prêts à renoncer à leurs libertés et accepter un confinement par solidarité avec le tiers qui n’a pas encore été vacciné. » Ou comment faire peser la menace du confinement de tous pour négocier l’enfermement de quelques-uns ? Une stratégie de moindre mal qui le rendrait, de ce fait, presque moral.

Monnayer la « liberté » des uns contre la liberté des autres n’est tout simplement pas possible dans une démocratie digne de ce nom. Et ce qui se passe en ce moment dans les pays européens est très préoccupant.

Sabine Faivre
Sabine Faivre
Auteur, essayiste

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