La décision du Conseil d’État ou le « petit monastère » et les treize mosquées

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Une récente décision du Conseil d’État revêt une importance considérable, puisque derrière l’aspect juridique, se dissimule une prise de position sociétale progressiste, tout à fait contestable.

Pour rappel, en 2017 la mairie communiste de Montreuil (Seine-Saint-Denis) exerça son droit de préemption urbain sur le terrain attenant à l’une des mosquées de la ville, à l’effet de permettre l’extension du centre socio-culturel, d’y installer des salles de classe, des salles de conférence et une bibliothèque consacrée à l’enseignement religieux.

Il apparait, selon le site Lamosquéeducoin.com, que la ville de Montreuil compterait 13 mosquées et salles de prière. On oublierait presque que le nom de Montreuil est issu du latin « monasteriolum » qui signifie « petit monastère » ou « petite église ».

Toujours est-il qu’en 2018, le Tribunal administratif avait annulé cette décision de préemption. De la même manière, après un recours de la mairie, le 1er octobre 2020, la Cour administrative d’appel de Versailles avait confirmé la décision du Tribunal administratif.

Mais le 22 décembre dernier, le Conseil d’État décida de casser l’arrêt et partant, de valider la préemption de la mairie.

La difficulté d’analyse de ce type de décisions est toujours la même car y sont mêlés à la fois des raisonnements juridiques, parfois obscurs, mais également des problématiques plus profondes relevant de la volonté politique et de différentes valeurs morales qui viennent s’entrechoquer.

Sur le plan juridique, il convient de rappeler que le maire peut exercer son droit de préemption en vue de la réalisation d’actions ou d’opérations qui pourraient être, par exemple, la mise en œuvre d’un projet urbain, l’extension d’une activité économique, le développement du tourisme et des loisirs, ou la lutte contre l’insalubrité[1]. Néanmoins, ces aliénations doivent répondre à un intérêt général suffisant.

Il doit être ajouté, qu’aux termes de la loi du 9 décembre 1905, les collectivités publiques ne peuvent apporter aucune contribution directe ou indirecte à la construction de nouveaux édifices cultuels.

C’est d’ailleurs, notamment, sur le fondement de cette dernière loi dite « sur la séparation des Églises et de l’Etat » que la Cour administrative d’appel avait jugé que la décision de préemption de la mairie de Montreuil était constitutive d’une dépense illégale en faveur de l’exercice d’un culte.

Mais le Conseil d’État en a décidé autrement et a analysé la situation juridique de façon assez peu lisible.

Il affirme en effet que « le principe constitutionnel de laïcité  ne fait pas obstacle à ce qu’une décision de préemption soit prise, dans le respect du principe de neutralité à l’égard des cultes et du principe d’égalité, en vue de permettre la réalisation d’un équipement collectif à vocation cultuelle ».

Autrement dit, selon les juges, les maires peuvent préempter un terrain dans le but d’agrandir un lieu de culte tout en ayant l’obligation de respecter le principe de neutralité à l’égard du culte lui-même.

Cette décision n’a donc strictement aucun sens puisqu’elle se contredit dans la même phrase. En effet, dès lors que le maire prend un arrêt de préemption en faveur d’un culte, il s’extrait en même temps de tout principe de neutralité. D’ailleurs, le maire de Montreuil, lui-même, avait indiqué que son objectif était de répondre aux besoins de la communauté musulmane locale. Il faut convenir que son intention semble alors assez éloignée du principe de neutralité et de l’intérêt général.

Pour justifier une telle incurie, le Conseil d’État rappelle que la mise en œuvre du projet devra exclure toute libéralité donc toute aide financière directe ou indirecte. Le terrain devra alors être vendu (encore heureux) et non offert au culte en question.

Désormais, cette décision « ÉNArquienne » par excellence (rappelons que les magistrats du Conseil d’État sont surtout des énarques) marquera durablement les esprits politiques et juridiques. Les maires de mauvaise foi se draperont dans leur prétendue neutralité à l’égard du culte pour justifier leurs choix électoralistes et politiques.

Car, en réalité, une décision de préemption est aussi et surtout une décision politique prise en considération de ses propres valeurs, de ses accointances morales et électorales. Il est un euphémisme que de dire qu’il ne faut pas négliger la portée de cette décision mentionnée aux tables du recueil Lebon.

Dès lors, nous attendons avec hâte la prochaine jurisprudence, quand le Conseil d’État validera la préemption d’un terrain qui permettra l’extension du presbytère accolé à l’église du village afin de créer une école catholique hors contrat…

 

[1] Article L.210-1 et L.300-1 du Code de l’Urbanisme

Me Alain Belot
Me Alain Belot
Avocat au barreau de Paris, chroniqueur à BV

Vos commentaires

11 commentaires

  1. Un Maire Communiste qui s’occupe bien de promouvoir, développer, des installations de Religions et de plus d’Islam. Incroyable mais vrai. Il n’y a pas plus laïque, païen, que les communistes….Religions et Communisme, c’est comme chiens et chats….La Politique politicienne, pour ce qu’elle est bien payée, permet de tout voir, pourvu qu’ils aient le Pouvoir…
    Ce Maire Communiste, si par hasard l’Islam arrivait au Pouvoir en France sait il qu’il vaudrait mieux qu’il se convertisse, et s’ils acceptent qu’il représente les « communistes », ce sera encore une grande imposture ! mais peut être pas pour longtemps

  2. Ce n’est pas la première fois que le Conseil d’Etat fait le jeu du clientélisme local ! On en viendrait presque à féliciter Macron d’avoir décider la suppression de l’ENA !

  3. Selon que vous serez pot de fer ou de terre, du coté du manche ou de la cognée, etc. Des principes toujours en vigueur dans une démocratie où le mot clef est  » en même temps », ce qui permet au dirigeant concerné de se soumettre à la loi du plus à craindre. Ce qui nous conduit à un autre rappel : « les lois sont faites pour être contournées » .

  4. Au delà du fait qu’on comprends très bien l’intérêt du maire de Montreuil de chouchouter son électorat musulman, il demeure des points pas très clairs : Si la mairie préempte un terrain c’est que celui-ci est mis à la vente soit par une personne physique soit morale, une société. La commune se trouve alors le promoteur d’un projet d’intérêt général ou délègue à un organisme agrée. Comment peut-on en droit Français déposséder une personne du fruit d’une vente pour vendre (ou faire cadeau) à une autre ? Lee conseil d’état parle d’un équipement collectif, il est où le collectif si c’est un lieu à vocation d’enseignement du culte musulman ?

  5. À rapprocher de la dernière sortie de Mme Bachelot qui trouve que les églises du XlX ème siècle manquent d’intérèt architectural ,et pourraient être cédées ou détruites. Cette calamiteuse ex ministre montre le bout de l’équerre et trouvera des relais zélés chez les maires de banlieues .
    Pendant le remplacement l’effacement est en marche.

  6. Encore une fois hors la loi oui cette décision est hors la loi et personne ne réagit . En fait rien de nouveau , en Macronie tout est permis .

  7. bizarre cette décision dès lors qu’on fait déboulonner des statues qui sont sur le domaine public et ce maire va donner un terrain pour un culte (pardon vendre surement un euro symbolique) alors que des gens vivent dans la rue et qu’il pourrait y construire des logements. Mantes la jolie avait eu aussi un problème lorsque le maire FN de l’époque avait préempté les locaux d’une ancienne trésorerie pour en faire un commissariat, le conseil départemental avait fait appel de la décision et depuis à cet emplacement il y a une mosquée, les décisions sont toujours dans le même sens, et les joyeux drilles de « la libre pensée » si prompt à faire déboulonner des statues ne voient rien à redire dans cette décision.

  8. Je pense que nous sommes nombreux à » attendre avec hâte la prochaine jurisprudence, quand le Conseil d’État validera la préemption d’un terrain qui permettra l’extension du presbytère accolé à l’église du village afin de créer une école catholique hors contrat… ». Toutefois, nous sommes presque sûr de la réponse. A croire que le Conseil d’Etat est déjà soumis.

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