Jean Sévillia : « L’État français et l’État algérien doivent reconnaître les crimes commis des deux côtés »
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Emmanuel Macron reconnaît la responsabilité de l'État dans la mort de Maurice Audin, militant communiste et anticolonialiste, qui avait disparu à Alger en juin 1957.
Pour Boulevard Voltaire, Jean Sévillia revient sur cette affaire qui n'a jamais été élucidée et sur la nécessité d'avoir une "vision équilibrée" de la guerre d'Algérie, dans une démarche de vérité historique.
Emmanuel Macron va reconnaître la responsabilité de l’État dans la mort de Maurice Audin, un mathématicien membre du parti communiste français décédé à Alger en 1957.
Pouvez-vous nous rappeler ce qu’est l’affaire Maurice Audin ?
C’est une histoire à la fois simple et compliquée. Maurice Audin est un militant du parti communiste algérien, une dépendance du parti communiste français. Il héberge chez lui des amis du parti communiste algérien et des amis du FLN. Il est mathématicien, étudiant, jeune marié et assistant à la faculté des sciences.
C’est l’époque de la guerre d’Algérie où l’armée française est chargée du pouvoir de police dans le pourtour d’Alger pour éradiquer les réseaux terroristes du FLN. Dans ce contexte, il y a des opérations multiples. Maurice Audin est arrêté en juin 1957. Il est emmené pour interrogatoire et ne réapparaîtra jamais.
Selon la version officielle de l’époque, il se serait évadé. Quasiment tout de suite après, l’hypothèse de son évasion est remise en cause par sa famille et ses proches. Il y a un soupçon qu’il aurait été torturé pour parler et qu’il aurait succombé à la torture.
On ne peut prouver ni s’il a été tué, sous la torture ou non, ni qui l’aurait tué.
La famille a-t-elle demandé des comptes à l’État ?
La veuve de Maurice Audin, Josette Audin, est une dame âgée. Elle mène ce combat depuis cinquante ans pour la mémoire de son mari et pour connaître la vérité. Humainement parlant, cela ne me paraît pas illégitime. Cette affaire était un drame. Cet homme est disparu, il a été tué par on ne sait qui ni comment. On ne le sait pas et on ne le saura jamais. Tout témoin de l’époque est certainement mort ou ceux qui restent sont extrêmement âgés et ne peuvent pas parler. Il est probable, historiquement parlant, que Maurice Audin n’était pas un terroriste.
Il y a l’hypothèse qu’il ait été confondu avec Henri Alleg. Il logeait chez Maurice Audin et était recherché par les parachutistes. L’essentiel n’est pas là.
Le problème est qu’on s’en sert aujourd’hui comme d’un instrument de remise en cause des méthodes d’une partie de l’armée française à cette époque. Ce sont des méthodes qui en effet posent un problème, mais encore faut-il poser le contexte général. Or, ce contexte général n’est pas posé. C’est celui de la bataille d’Alger où le FLN avait fait le choix du terrorisme et où le gouvernement de la République, un gouvernement de gauche, a confié à l’armée des pouvoirs de police qui ne sont normalement pas dans la tradition militaire.
Derrière cette disparition, cette mort a priori officiellement inexpliquée, on retrouve la question de la repentance des crimes commis en Algérie.
Bien sûr. Ce n’est pas une démarche de vérité historique. D’après le communiqué qui doit être publié dans l’après-midi par Emmanuel Macron, c’est une démarche de vérité historique.
Or, la démarche de vérité historique consisterait à ce que parallèlement et en même temps, l’État français et l’État algérien ouvrent toutes leurs archives et reconnaissent les crimes commis pendant la guerre d’Algérie.
La France met en cause une partie de son passé. Je pense néanmoins qu’il y a un vrai problème que l’on ne peut pas éviter. Cependant, l’Algérie n’en fait pas autant. Par conséquent, nous avons une double vision totalement déséquilibrée de la guerre d’Algérie. C’est une guerre, et toute guerre est sale. Cette guerre-là était particulièrement sale. Le FLN a mis en œuvre et assumé le terrorisme comme un choix stratégique. Or le FLN n’a jamais ni fait son autocritique ni regretté les méthodes qu’il employait à l’époque.
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Guerre d'Algérie
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