Jean-Frédéric Poisson : « Il y avait, dans cette interdiction générale et absolue, quelque chose d’attentatoire aux libertés fondamentales »

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Le Conseil d'État vient d'ordonner au gouvernement de lever l'interdiction générale et absolue de réunion dans les lieux de culte et d’édicter, à sa place, des mesures strictement proportionnées aux risques sanitaires et appropriées en ce début de « déconfinement ». Réaction de Jean-Frédéric Poisson, qui avait déposé un référé-liberté auprès du Conseil d'État.

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Le Conseil d’État donne huit jours au Premier ministre pour casser le décret interdisant tout rassemblement dans les lieux de culte. Il lui demande de prendre des mesures pour que cette interdiction soit proportionnée aux risques sanitaires, et considère que l’application en les termes était illégale. Est-ce une victoire pour vous ?

Oui bien sûr. Vendredi après-midi, en sortant de l’audience, j’ai publié un communiqué de presse qui reprenait les éléments du débat. On voyait bien l’embarras du gouvernement pour justifier cette interdiction générale et absolue, qui n’avait plus aucun sens après le déconfinement.
Le Conseil d’État a tenu son rôle en faisant respecter les principes de notre droit, acceptant notre thèse selon laquelle il y avait dans cette interdiction générale et absolue quelque chose qui était attentatoire aux libertés fondamentales des Français. Il l’a reconnu et donne huit jours au gouvernement pour trouver des modalités normales d’exercice des libertés de culte, dans un contexte sanitaire contraint. J’espère que le gouvernement aura la sagesse de ne pas utiliser ce délai de huit jours jusqu’au bout.

Parmi les plaidants, il y avait des associations catholiques, des institutions cléricales et votre parti politique. Pourquoi le PCD a été le seul parti politique à se saisir de cette question-là ?

Pourquoi sommes-nous le seul ? Je n’en sais rien. En revanche, je peux vous dire pourquoi nous l’avons fait. Le problème était pour nous une question d’atteinte insupportable, parce qu’elle était disproportionnée et discriminatoire aux libertés fondamentales.
Le rôle d’un parti politique non confessionnel, ce qui est notre cas, n’est pas de défendre le droit de telle ou telle communauté à célébrer son culte. Les organisations religieuses ou cléricales qui l’ont fait, c’est évidemment leur droit. Notre point de vue était un peu différent. Nous nous sommes battus sur le principe que l’accès aux cérémonies est un élément indissociable de l’exercice de la liberté de culte. Avoir la liberté de culte n’est pas uniquement de croire. Pouvoir accéder à ces lieux de cultes, c’est pouvoir aussi célébrer des offices publiquement et collectivement. Ce point est inséparable de cette liberté fondamentale. Quand vous l’empêchez sans motifs, il y a une atteinte aux libertés fondamentales. Notre argumentation a été entendue. C’est proprement l’argumentation d’un parti politique.
Notre point de vue n’était pas de défendre telle ou telle communauté, mais le principe même de la liberté de culte intégral. Les libertés fondamentales ne se divisent pas. Il est donc normal qu’un parti politique ait choisi de défendre les libertés fondamentales des Français. Si les autres partis ne l’ont pas fait, c’est peut-être parce qu’ils sont moins sensibles que nous aux libertés fondamentales.

Pourquoi le gouvernement a eu une telle volonté de serrer la vis à l’égard des cultes, alors qu’il a été plus libéral sur d’autres institutions ?

Il y a plusieurs facteurs. Le premier, c’est une incompréhension totale de ce qu’est le fait religieux et de la manière dont les croyants envisagent le monde. C’est une forme d’incompréhension de fond.
Le discours d’Emmanuel Macron devant les Bernardins était un épisode ou un exemple extrêmement parlant.
Deuxièmement, la religion est une activité comme une autre. C’est comme le badminton, le shopping, le coiffeur ou le théâtre. On ne voit pas pourquoi, elle serait traitée différemment. Sur ce point, la constitution donne tort au gouvernement. La liberté de culte est une liberté fondamentale et non la liberté d’aller chez le coiffeur.
Troisièmement, il y a une forme de mépris et de manque de culture. On va se contenter d’appeler cela de l’ignorance et on n’ira pas plus loin pour ce soir. Il ne faut pas exclure qu’il y une forme de haine et de combat. Il y a des anti croyants dans tous les gouvernements de France, depuis qu’il y a des gouvernements en France. Celui-ci ne fera pas exception à la règle. Quand vous mélangez tous ces facteurs et que vous secouez très fort, cela donne ces résultats. Ils ne peuvent pas durer. Il faut saluer la liberté du Conseil d’État qui est une grande institution. Elle l’a montré ce soir. Sur des sujets très sensibles, elle est capable de censurer le gouvernement lorsque c’est nécessaire.

Jean-Frédéric Poisson
Jean-Frédéric Poisson
Ancien député des Yvelines, président de VIA - La Voie du Peuple

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