
Co-créateur de la fondation Excellence Ruralités, Jean-Baptiste Nouailhac revient sur les déclarations de Pap Ndiaye visant l'enseignement privé et lui demandant de faire plus que sa part en matière de mixité sociale.
Marc Eynaud. Vous avez fondé Excellence Ruralités pour lutter contre le décrochage scolaire. Votre école pilote a été lancée en 2017 à La Fère, dans l'Aisne. Six ans plus tard, où en êtes-vous ? Quel regard portez-vous sur le chemin parcouru ?
Jean-Baptiste Nouailhac. Aujourd’hui, le Cours Clovis a quasiment atteint sa taille cible. En septembre prochain, il accueillera plus de 100 élèves, du CP à la 3e. Pour la première fois, nous avons dû refuser des élèves, faute de place. Alors que 33 % des jeunes de La Fère n’ont ni formation ni emploi au terme de leur scolarité obligatoire, 90 % de nos anciens collégiens sont insérés.
En septembre dernier, un deuxième collège Excellence Ruralités a ouvert à Confolens, en Charente, avec 7 élèves. Il en accueillera entre 25 et 30, l’an prochain. Le premier enseignement que j’en tire, c’est que, pour peu qu’on le leur propose, tous les parents veulent le meilleur pour leurs enfants.
M. E. Depuis l'arrivée du ministre Pap Ndiaye, l'accent est mis sur la lutte contre les inégalités. Est-ce un angle pertinent ?
J.-B. N. Parmi tous les pays de l’OCDE, c’est en France que le poids des origines sociales est le plus lourd de conséquences dans la réussite scolaire, donc il faut bien sûr permettre à un maximum d’enfants de milieux modestes de réussir à l’école. Pour autant, je ne crois pas que la mission de l’école soit de réaliser l’égalité. C’est, me semble-t-il, une politisation de la mission de l’école. L’école doit permettre à chaque enfant de développer ses talents. Si certains enfants partent de plus haut, tant mieux, il faut les aider à aller encore plus haut. C’est à la fois notre devise et notre définition de l’excellence : « Tous plus haut ! »
M. E. Le ministre s'est attaqué à la mixité scolaire, rallumant en quelque sorte les antagonismes entre le privé, confessionnel ou pas, et le public. Est-ce que davantage de mixité est souhaitable dans nos établissements scolaires ?
J.-B. N. Oui, elle est souhaitable, mais ça n’est qu’un moyen au service de la réussite de tous les enfants, pas une fin en soi. Si elle est la conséquence naturelle d’un environnement où se côtoient toutes les origines sociales, c’est une très bonne chose. Si elle est imposée d’en haut, c’est néfaste. On ne force pas les gens à vivre ensemble. Il faut respecter le caractère organique de la société. Lorsque l’on impose d’en haut des changements artificiels et abrupts, cela ne produit jamais rien de bon car le corps social est un être vivant, il réagit. La mixité scolaire est un révélateur de l’unité de la société. L’école ne peut pas, à elle seule, recréer du commun. Ce qui faisait l’unité de notre société, jusque dans les années 60, c’était un maillage industriel dense qui permettait à des ingénieurs et à des ouvriers d’habiter le même village, une appartenance au territoire, des traditions communes. Je ne crois pas que les professeurs puissent recréer cela. Il faut encourager le développement d’une politique industrielle ambitieuse qui amènera des ingénieurs à se réinstaller dans nos territoires. Mais la mixité n’est qu’un moyen secondaire pour agir sur la réussite des élèves. Le véritable enjeu, c’est de donner les moyens aux professeurs d’agir directement auprès de chaque enfant pour lui permettre de déployer tous ses talents. Les professeurs n’ont pas nécessairement besoin des enfants des riches pour faire réussir les enfants des pauvres. Dans nos écoles il n’y a pas de CSP+, cela n’empêche pas nos instituteurs d’apprendre à lire correctement à tous nos élèves dès la fin du CP. Faire de la mixité sociale la solution à tous nos maux, c’est s’enfermer un peu plus dans le fatalisme qui coupe les pattes de notre école depuis qu’elle a troqué Péguy contre Bourdieu. Bien sûr que le milieu social des parents influe sur la réussite scolaire des enfants, mais une fois qu’on a dit cela, que fait-on ? L’obsession de notre ministre de l’Éducation devrait être de faire mentir la sociologie, pas de ne compter que sur elle. Son levier pour agir, ce sont les professeurs, pas les élèves. Il faut raviver la flamme de nos professeurs, leur montrer que l’on a confiance en eux, leur donner les moyens de relever les défis éducatifs colossaux (violence, éclatement des familles, écrans, addictions) auxquels ils sont confrontés. Il faut mieux les payer, bien sûr, mais il faut surtout leur offrir des conditions de travail qui leur permettent d’épanouir leur vocation : de petits effectifs, du temps pour connaître leurs élèves, pour nouer une relation avec leurs parents. Autant d’outils pédagogiques qui produisent des résultats incontestables et qui sont aujourd’hui réservés à une minorité. Au fond, la solution, ce n’est pas la mixité sociale, c’est l’excellence pour tous.
M. E. On a vu, pendant le précédent quinquennat, un vent de soupçon généralisé à l'encontre des établissements hors-contrat ainsi que l'école à la maison, dans un contexte de lutte contre le séparatisme. Est-ce que ces débats vous inquiètent ?
J.-B. N. Pas du tout. Depuis la loi Gatel en 2018, la création et le développement d’écoles hors contrat sont extrêmement encadrés. Déclarées auprès de l’académie, les écoles associatives sont régulièrement inspectées, et c’est bien normal, pour vérifier qu’elles enseignent correctement le socle commun des connaissances, qu’elles n’ont pas de dérive sectaire et qu’elles sont en règle vis-à-vis des normes de sécurité et du droit du travail. Chaque année, elles déclarent la liste de leurs financeurs, je ne vois aucune raison pour que quelque soupçon que ce soit puisse peser sur elles. Pour ma part, je suis même demandeur d’une plus grande intégration de nos écoles au système éducatif classique. J’aimerais que nos élèves puissent passer les évaluations nationales pour objectiver la pertinence de nos méthodes pédagogiques et contribuer, autant que possible, à influencer le système dans le sens d’une plus grande confiance dans les professeurs et les familles.
Vraiment une excellente initiative que d’avoir créé l’école de la Fère, dans une région que je connais et où il y a vraiment beaucoup de familles de milieu social très modeste. Pour le moment les élèves, pour les photos que l’on en voit, y sont très représentatifs de la France rurale telle que l’on aimerait l’imaginer. Je crains juste le moment où cette école va devoir intégrer la bonne diversité que les banlieues déversent petit à petit dans nos campagnes…
L’école est un fruit savoureux. « Fut » aurais-je dû dire ! Un certain nombre d’individus nommés par des premiers ministres , eux-mêmes choisis par ce que l’on désigne comme des « présidents », eux-mêmes issus d’une mouvance schizophrène et tellement sûrs de leur propre valeur qu’ils en étouffent presque, ces individus affublés du titre de ministres de l’Education Nationale, entrent dans ce fruit savoureux … et font tomber notre école de la 4ème ou 5ème place mondiale il y a une quarantaine d’années, à la vingt-septième aujourd’hui. Et nos « chères petites têtes blondes » (euh ! aujourd’hui …) ne savent plus ni lire, ni écrire, ni compter, ni réfléchir. Ah si, ils utilisent parfaitement leurs smartphones (Bjr – Lol – Cool), ou celui qu’ils ont volé à quelqu’un dans la rue. Et bientôt ils choisiront d’être garçon ou fille (mais illettrés ou illettrées). Rappelons quand même qu’ils sont l’avenir du pays. Le ver est dans le fruit. Laissera-t-on le fruit pourrir ?
« Ce qui faisait l’unité de notre société, jusque dans les années 60, c’était un maillage industriel dense qui permettait à des ingénieurs et à des ouvriers d’habiter le même village, une appartenance au territoire, des traditions communes. »
Bravo et merci de nous rappeler ce fait, qui est essentiel pour comprendre la dérive de la société française, et qui se décline dans tous les domaines. C’est bien joli, par exemple, de critiquer ces pollueurs de villageois qui roulent au diesel pour aller bosser à la ville, mais quand ce maillage industriel existait ils allaient au boulot à pied ou à vélo !
Avons-nous les mêmes professeurs, instruits, cultivés, partisans de l’esprit critique ?
En communication il y a une règle qui dit –
« toute information se perd au cours de la chaine de transmission » –
et bien : pour l’éducation = c’est pareil. –
un prof recruté avec 8 de moyenne … ? –
Tout à fait !
Les parents veulent le meilleur pour leurs enfants même si on ne le leur propose pas!