Même si d’autres à droite l’ont déjà encensé, pourquoi le FN est-il allé s’afficher à la commémoration de l’anticlérical Jean Jaurès par L’Humanité ? Jeanne d’Arc, mécontente, va finir par retirer sa… voix à Marine.
Vendredi, tout ce que la gauche comprend de "trèzàgôche" s’est fait une joie de célébrer la mémoire de leur père, Auguste Jaurès, plus connu sous son 4e prénom - Jean -, assassiné le 31 juillet 1914 au Café du Croissant (Paris IIe ) avant sa nuit de travail à la rédaction de L’Humanité. Son vilain - dans le sens ancien de « méprisable et déshonorant » - assassin, Raoul Villain, fut étonnamment acquitté en 1919 (mais il finit fusillé à Ibiza en 1936 au début de la guerre d’Espagne par des… anarchistes !). Est-ce parce que cet homme était nationaliste, et donc pour le faire oublier, que des responsables du FN s’approprient Jean Jaurès ? Comme l’avait fait avant eux un autre dirigeant de droite, Nicolas Sarkozy, lors de la présidentielle de 2007 : évoquant la valeur du travail, il a cité cette phrase de 1903 : "Le courage, c'est de choisir un métier et de bien le faire, quel qu'il soit."
Imitant l’exemple de Sarkozy, lors des européennes de 2009, Louis Aliot, alors secrétaire général du FN, a fait éditer des affiches portant cette citation de Jaurès : "À celui qui n’a plus rien, la patrie est son seul bien." Justifiant la suite : "Jaurès aurait voté Front national." Car, expliquera-t-il, "le FN est la seule formation politique en France à défendre les valeurs de justice sociale et d'humanisme". Ce n’est donc pas lui qui critiquera la présence à L’Huma d’Éric Richermoz, jeune cadre du FN. Ni Mme Le Pen qui a repris cette phrase lors de son discours de toute nouvelle présidente du FN au congrès de Tours en 2011.
Interrogé sur cette "participation" frontiste, Wallerand de Saint-Just, tête de liste FN aux régionales en Île-de-France, catholique traditionaliste à des années-lumière des idées d’un Jaurès, a déclaré au Figaro qu’il ne s’en offusquait pas : "La mémoire de Jaurès appartient beaucoup plus au FN qu'à la fausse gauche qui a trahi tous ses idéaux."
Vu du XXIe siècle, on peut se dire qu’il aurait été préférable que les idées pacifistes de Jaurès prévalent et empêchent l’effroyable tuerie de 14-18 et le traumatisme de millions de personnes - dont mes deux grands-pères venus d’Algérie dans ce bourbier. Toutefois, que serait la France sans l’Alsace-Lorraine, pays de mes arrière-grands-parents ayant fui les Allemands après la cession de leur terre natale par la France à l’Empire allemand en 1871 ?
Mais de là à idolâtrer à droite celui qui fut tout de même, et coup sur coup, en 1905, l’un des pères de la loi de séparation des Églises et de l’État et l’un des géniteurs de la Section française de l’Internationale ouvrière (SFIO) ! Le FN - qui veut changer de nom - ne va tout de même pas aller jusqu’à choisir le sigle FIN : Front InterNational ? Ne voyez-là, dans cette boutade, qu’un simple jeu de mots pour la FIN de ce texte.
Cet article a été mis à jour pour la dernière fois le 01/07/2023 à 3:50.