À l'instar du Golem qui se retourna contre son maître, certains syndicats étudiants de gogôche ont revêtu la cuirasse du révolté contre le gouvernement qu'ils appelaient de leurs vœux en 2012, contre cette même gauche qui les finance et dont ils grossiront un jour les rangs.

Après les vaines grèves contre la réforme des retraites, les sit-in interminables des Indignés et les actions aussi infructueuses que démesurées des zadistes, il se murmurait que le mythe du Grand Soir s'était flétri ; que la jeunesse, lassée de battre les pavés de la révolution, avait ôté keffiehs et maillots à l'effigie du Che ; que les vieux drapeaux rouges, délaissés depuis des lustres au fond de sombres armoires, étaient rongés par les mites et la poussière.

Que nenni! Le vent de la contestation souffle à nouveau sur les facs de France. Il est devenu monnaie courante de voir des groupes de syndiqués au regard enflammé pénétrer dans les amphithéâtres (en plein cours !) pour enjoindre aux étudiants d'assister à leurs "assemblées générales" ou à des actions "coup de poing", comme ils aiment à nommer leurs marches ponctuées de chants anarchistes. Ces quelques centaines d'étudiants "engagés" (ou enragés) formés à l'agit-prop entraînent dans leurs grèves des milliers de jeunes désireux de "faire bouger les choses", selon la formule consacrée.

Étudiant en histoire dans une fac de province, je refuse de faire partie de cette troupe. N'y voyez ni lâcheté ni indifférence. J'ai défilé avec deux millions de Français quand ma conscience me l'ordonnait. Quels en furent les effets? Jusqu'à preuve du contraire, la loi Taubira est toujours en vigueur ; comme bientôt la loi El Khomri…

Mais plus que le scepticisme, c'est l'incohérence de ce mouvement qui me fait rechigner à m'y joindre. À la simple question "Pourquoi êtes-vous contre la loi El Khomri?", nombre de grévistes ne savent quoi répondre, certains parlant machinalement de "précarisation" quand il n'est pas question… du travail des enfants !

Notons que ces jeunes qui protestent contre l'assouplissement du Code du travail et ne jurent que par l'État-providence sont les premiers à rêver des pays anglo-saxons, au prétexte que la France serait devenue un "carcan" où l'esprit d'initiative et la liberté de création sont absents.

Cette jeunesse-là n'est pas la mienne. Vieillie avant l'âge ; agitatrice et faussement indignée, mais complice dans les faits. Contestataire du modèle qui la nourrit et dans lequel elle y trouvera finalement son compte, sauf les jours de manifs autorisées par le préfet et encadrées par la police.

Inconsolable qu'elle est de vivre un demi-siècle trop tard. Ah qu'elle aurait aimé se dresser avec ses aînés sur les barricades de la révolution introuvable. Aujourd'hui, elle occuperait les postes parasitaires auxquels sont parvenus les anciens sans-culottes de Mai 68.

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16 mars 2016

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