Le Sénat a voté, le 1er février, en faveur de la constitutionnalisation de l’IVG par 166 voix pour et 152 contre, sous une formulation différente de celle adoptée par les députés. Le texte initial voulait consacrer « le droit à l’IVG », tandis que le nouveau texte, réécrit via un amendement du LR Philippe Bas, complète l’article 34 de la Constitution en ces termes : « La loi détermine les conditions dans lesquelles s’exerce la liberté de la femme de mettre fin à sa grossesse », ce qui est sensiblement différent.

Le texte doit revenir à l'Assemblée nationale. Si les deux chambres s'entendent sur la même formulation - ce qui n'est pas assuré -, il faudra alors passer par un référendum, puisque le texte émane d'une proposition parlementaire. À moins que le gouvernement ne s’en saisisse. Dans ce cas, cela permettrait d’éviter ce recours au référendum, plus risqué qu’un projet de loi constitutionnelle. Face aux critiques sur la reformulation du texte initial, Philippe Bas, qui fut un collaborateur de Simone Veil, a expliqué vouloir « garantir l’équilibre de la loi Veil », tout en soulignant « qu’il n’ y a pas de droit absolu », ce que visaient précisément le groupe socialiste et LFI.

La formulation adoptée permet également au législateur « de ne pas abdiquer ses droits en faveur du pouvoir constituant ». Ce qui revient, finalement, à donner le dernier mot à la loi, une façon de « rendre à César ce qui est à César » car, dans ce domaine, c’est la loi qui met en œuvre le droit à l’IVG.

La liberté, c’est le mot, et c’est aussi le symbole. Mais c’est aussi toute la liberté, toutes les libertés. Consacrer la liberté des femmes à avorter dans le cadre de la loi, c’est finalement accepter et reconnaître que la femme puisse être libre de choisir ou pas d’interrompre sa grossesse.

C’est là que le bât blesse, parce que philosophiquement, il ne peut exister de liberté d’avorter que s’il existe aussi la liberté d’y renoncer. Or la loi, telle qu’elle est mise en œuvre aujourd’hui, a littéralement verrouillé les possibilités de renoncer à l’IVG, de proposer des solutions alternatives, le délai de réflexion, pénalisé ce qu’elle nomme « l’entrave à l’IVG » quand il s’agit, en réalité, de permettre un libre choix. Sans parler des menaces qui pèsent sur la clause spécifique de conscience relative à l’IVG, comme si cet acte était devenu anodin.

Finalement, consacrer la liberté d’avorter revient à consacrer la liberté de choix et, de ce fait, il faudra que la loi garantisse l’effectivité du droit de renoncer à l’IVG et, donc, qu’elle mette en place les outils pour y parvenir.

La liberté « ne se conjugue pas au singulier », elle implique que soient respectés la volonté, l’information éclairée, le discernement et la dignité des femmes. Cela ouvre finalement une fenêtre intéressante de ce point de vue. Dira-t-on merci aux féministes de permettre que le vrai sujet, celui de la liberté de choix, soit remis au centre du débat ?

3427 vues

05 février 2023 à 18:39

La possibilité d'ajouter de nouveaux commentaires a été désactivée.

18 commentaires

  1. Loin de moi l’idée de vouloir interdire l’avortement ,mais j’ai toujours étais interloqué par les personnes à qui cela ne pose aucun problème de supprimer une vie .En général se sont les mêmes qui sont farouchement opposé à la peine de mort . Comme je suis cohérent je suis pour le rétablissement de la dite peine et pour le maintien de l’avortement .
    Ayant bien conscience que la prise de décision est lourde de conséquence …

  2. Nos sénateurs ont ils bien pris en compte cette mise en garde de Montesquieu  » Il est quelquefois nécessaire de changer certaines lois, mais le cas est rare et lorsqu’il arrive, il n’y faut toucher que d’une main tremblante. »quand ils se sont montrés favorables à cette volonté d’inscrire le droit à l’IVG dans la Constitution.

  3. Je ne suis pas d’accord avec vous , Madame Sabine Faivre.
    Excusez du peu : Je pense que l’amendement de M. Ph. BAS est diabolique, au sens précis que le diable est « Père du mensonge ».
    En effet, quand je constate que la gauche du Sénat s’est engoufrée comme un seul homme dans la brèche ouverte par l’amendement de M. BAS, j’en conclus que la gauche et les macronistes de l’Assembléé Nationale voteront pour cette rédaction, même s’il auraient préféré le mot « droit » à celui de « liberté » car ainsi, l’avortement pourra renter dans le marbre de la Constitution, ce qui est leur but. Car dans la pratique, cette liberté deviendra un « droit » et dès lors il n’y a aucune chance que la liberté joue en sens inverse, c’est à dire que des mesures soient prises pour prévenir l’IVG . Donsc ce que propose Mme Faivre est naif et illusoire.
    De plus, c’est la porte ouverte à « l’ultime liberté  » qui serait pour ses défenseurs de recourir à l’euthanasie et au suicide assisté : pourquoi s’arrêter en si bon chemin ?
    Conclusion : avec la meilleure intention du monde, vous donnez du grain à moudre, non seulement aux partisans du « droit » à l’IVG, mais à ceux de l’euthanasie et du suicide assisté et que sais-je encore.

  4. Je retiens que pour les sénateurs, l’IVG est une liberté, et pas un droit. C’est déjà un point essentiel. Personnellement je considère cela comme une tolérance pour un acte qui reste un mal comme le constatait déjà Simone Veil. Toute loi qui refuserait la clause de conscience des personnels soignants me parait intolérable, de même que la loi Taubira qui viole la liberté de conscience des juges et des maires et de la plupart des citoyens, ave la jurisprudence de la CEDH. Va-t-on aussi inscrire les salles de shoot et le suicide assisté dans la Constitution ?

  5. une idée comme ça en passant…on pourrait aussi inscrire dans la constitution le droit de ne pas tuer !!??? pour les médecins ayant prononcé le serment d’Hypocrate et qui, en conscience, refusent de pratiquer les avortements et sont sanctionnés pour ça .

  6. Une fois de plus les « ventres mous » des LR ont parlé, pourtant ils devraient se rendre compte où toutes leurs reculades successives nous ont mené, pour ce sujet comme pour le reste.

  7. Si « avorter est un droit fondamental » les foetus pourraient répondre que le droit à la vie est aussi fondamental.

  8. interdire l’avortement, peut être mais faut voir aussi qu’obliger le corps d’un femme à garder un enfant c’est peut être à terme faire deux malheureux. si dès le début de la procréation, le gamète masculin est forcément vivant faut déjà interdire le plaisir solitaire car, alors, quel massacre.

  9. Simone Weil doit se retourner dans sa tombe en voyant ce que nos gochos bobos sont en train de faire.vsa loi sur l’avortement était destinée à encadrer des méthodes barbares, mettant en danger des femmes et des fœtus, pratiquées pour interrompre des grossesses catastrophiques. Jamais ce « droit » à l’IVG n’a été instauré comme moyen de contraception, de confort et surtout pas comme moyen d’assassiner des fœtus de 9 mois … Dans un pays où parait-il la peine de mort aurait été abolie ! Abolie pour les criminels et autorisée, inscrite dans la constitution, pour les innocents ?

  10. Si on suit ce raisonnement, la prochaine étape sera l’introduction de l’euthanasie dans la constitution avec le texte suivant :  » La loi détermine les conditions dans lesquelles s’exerce la liberté de mettre fin à ses jours. « . On a ouvert la boîte de Pandore…

  11. Mme S Faivre, permettez moi une observation sur votre formulation du droit réciproque à la liberté de l’IVG. Je comprends où vous voulez en venir. Vous nous dites : « C’est là que le bât blesse, parce que philosophiquement, il ne peut exister de liberté d’avorter que s’il existe aussi la liberté d’y renoncer. Or la loi, telle qu’elle est mise en œuvre aujourd’hui, a littéralement verrouillé les possibilités de renoncer à l’IVG » . Ne faut-il pas comprendre  » La loi…….a verrouillé les possibilités de renoncer ….à l’exercice de l’interruption de grossesse » . Effectivement si l’IVG devenait un droit, le médecin devrait se plier à cette injonction sous peine de devenir justiciable s’il refusait. Vous souhaitez, en respect d’une liberté réciproque, qu’il ait la possibilité de refuser. Ce qui paraît déontologiquement juste.

    1. Cette phrase n’est pas de Bernanos, elle est surtout du Nouveau Testament, mais on peut l’interpréter de bien des manières. Je préfère « que votre oui soit oui et votre non soit non ». Ceci dit une phrase de l’Evangile sur Moïse qui avait autorisé les divorces moyennant une lettre de répudiation « en raison de votre dureté de coeur », serait probablement plus valable en l’occurrence.

  12. Honnêtement, je ne sais pas si M.Bas avait cette idée derrière la tête quand il a proposé cette modification du texte mais c’est très intéressant même si c’est un peu utopiste comme espérance…

  13. La loi Veil était nécessaire pour encadrer médicalement les femmes désirant avorter à une époque où la contraception était méconnue.
    Mais il ne faut pas oublier que c’est aussi une souffrance psychologique pour la femme.
    De là à autoriser cet acte jusqu’à 9 mois de grossesse me paraît aberrant

    1. C’est plus qu’aberrant, c’est odieux, car un bébé , pardon un fœtus, est viable à partir de 7 mois environ sans problème de santé ou de handicap.
      Donc, c’est un infanticide.
      J’ai eu à suivre des femmes ayant avorter (en général à cause du harcèlement familial et amical).
      Je crois que c’est une douleur, une culpabilité qui resteront marquées au fer rouge toute leur vie.

Les commentaires sont fermés.