IVG dans la Constitution : la majorité sénatoriale résistera-t-elle ?

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Le 25 janvier, la majorité sénatoriale a rejeté une seconde fois la proposition de loi visant à inscrire l’IVG dans la Constitution, qui avait été adoptée par l’Assemblée nationale en novembre dernier. Pour le rapporteur, la sénatrice LR de Seine-Maritime Agnès Canayer, la formulation serait « juridiquement incomplète ». Néanmoins, ce texte doit être examiné en séance publique, le 1er février, au Sénat.

Rappelons que fin 2022, le texte avait été rejeté par la majorité sénatoriale de droite, à l’issue d’une séance houleuse, et malgré le forcing d’une coalition de 118 sénateurs communistes, socialistes et écologistes.

Invitée de la matinale de Public Sénat, Agnès Canayer (LR) a mentionné que son groupe demeurait « très attaché à l’interruption volontaire de grossesse ». Mais que cette constitutionnalisation était une « fausse bonne idée », qu’elle n’allait « pas renforcer l’effectivité du droit à l’IVG », ni « augmenter les moyens financiers des Plannings familiaux », « ni lutter contre la désertification médicale ». Elle a par ailleurs soulevé une incohérence juridique eu égard « à la conciliation de la reconnaissance du droit de l’embryon ».

La bataille idéologique est relancée et chaque groupe affûte ses arguments pour faire basculer le vote, sur fond d’hypocrisie majeure.

Lundi 23 janvier se tenait au Sénat, précisément, une conférence sur les enjeux éthiques et juridiques de la constitutionnalisation de l’IVG à l’initiative du sénateur des Bouches-du-Rhône Stéphane Ravier. Au cours de cette conférence, le professeur Anne-Marie Le Pourhiet, spécialiste de droit constitutionnel, a expliqué l’inutilité juridique de cette proposition de loi qui contrevenait au principe de la Constitution en la transformant en une sorte de « self service normatif » destiné à servir des intérêts d’ordre idéologique, ne répondant à aucun motif juridique ou éthique valable eu égard aux arguments avancés : en effet, ce qui se passe aux États-Unis est une question fédérale, et la France n’a rien à avoir avec un système fédéral. « Le pouvoir constituant est souverain, on ne peut rien lui opposer juridiquement », dit-elle, « ni un droit naturel supra-constitutionnel, parce que c’est une Constitution positiviste, ni même le droit européen. » Cependant, « il n’est pas interdit de critiquer le pouvoir constituant », surtout quand celui-ci risque de contrevenir à ce qui constitue le contrat social d’une nation.

Or, avec ce texte, estime Mme Le Pourhiet, on en arrive à l’instrumentalisation « parfaitement gratuite de la Constitution », « basée sur des postulats juridiques erronés », avec « un risque majeur pour la liberté, non conforme à l’esprit de la Constitution ». Selon elle, « on est en train démolir la Constitution », pointant « une com' politique ». Du reste, elle se demande si les tenants de la proposition de loi avaient seulement lu le Code civil, qui stipule dans son article 16 que « la loi assure la primauté de la personne, interdit toute atteinte à la dignité de celle-ci et garantit le respect de l’être humain dès le commencement de la conception » (art. 16 à 16-9 du chapitre « Du respect du corps humain »). Cet article a également une valeur constitutionnelle.

Enfin, elle a pointé un risque majeur pour la liberté de conscience et d’expression : ce texte rendrait inconstitutionnel tout débat, toutes critiques ou réserves personnelles sur la loi relative à l’IVG. Avouons-le, c’est probablement ce que visent les promoteurs de ce texte : empêcher toute remise en cause du système.

Il faut espérer que le Sénat tiendra bon sur ses positions. Mais, à ce stade, il n’est pas possible de savoir où glissera le curseur. Même si l'on peut légitimement s'inquiéter de l'initiative du sénateur LR Philippe Bas qui a déposé un amendement pour ouvrir la porte au droit à l’IVG dans la Constitution sous une rédaction différente. Selon Public Sénat, l’entourage de Bruno Retailleau, chef du groupe LR au Sénat, insiste sur « l’initiative personnelle » de Philippe Bas. Réponse le 1er février...

Sabine Faivre
Sabine Faivre
Auteur, essayiste

Vos commentaires

19 commentaires

  1. Pourquoi limiter à 20 ans la durée des méfaits de l’avortement légal ? 2023 -1975 = 48 ! prenons une estimation moyenne basse de 150 000 enfants à naître/an , celà donne 7 200 000 et arrondissons à 7 millions de victimes innocentes, soit plus que l’estimation de la catastrophe (shoah) dénoncée par le monde juif autour de la 2ème guerre mondiale et atteignant plusieurs nationalités. Là, pour la seule France, ne serait-ce pas aussi une catastrophe ? Après les lois (toujours en vigueur) prescrivant l’élimination des vendéens (1er août et 1er octobre 1793), va-t-on voir, gravée dans le marbre de la Constitution, l’inscription du droit inaliénable de tuer les plus faibles des humains ? Celà fait-il donc partie des valeurs de la République ?

  2. Il y a quelques jours, l’ECLJ a adressé un courriel attirant l’attention sur ce risque et invitant à écrire aux sénateurs LR de sa circonscription pour les mettre en garde, ce que j’ai fait. On trouve leur adresse mail sur le site du sénat. Voici le court message que j’ai envoyé ‘bien sûr sans avoir reçu la moindre réponse…) :
    Alerté par un courriel de l’ECLJ de la tentation détectée chez certains sénateurs de votre groupe de proposer d’amender le projet de loi à ce sujet pour le rendre « acceptable », en y mettant, je cite, des « garde fous », je me permets de vous adresser ce message pour vous exprimer mon espoir que vous ne faites pas partie de cette fraction de votre groupe. Comme le souligne l’ECLJ, « c’est une grave dérive car on sait comment finissent les garde-fous : ils sont progressivement mais inévitablement abrogés, comme le montrent nos lois bioéthiques ». Comme ce qui se prépare sur l’euthanasie.
    On ne sait jamais, cela peut toujours servir…

  3. Plus de 230 000 IVG par an en France et plus de 400 000 immigrés inclus ou pas (?) les illégaux. Cherchez l’erreur ! Vu ce que coûte l’immigration surtout illégale (ceux qui ne travaillent pas), ne vaudrait il pas mieux que l’Etat assure (1) du côté des naissances supprimées ? ! ! ! (1) en place de crèches, en allocations, en emplois aux mères….

  4. « la loi assure la primauté de la personne, interdit toute atteinte à la dignité de celle-ci et garantit le respect de l’être humain dès le commencement de la conception » (art. 16 à 16-9 du chapitre « Du respect du corps humain »). Cet article a également une valeur constitutionnelle. »
    Tout est dit et écrit.
    Pour changer la constitution (puisque ce ce serait la changer, il faut autre chose qu’un débat parlementaire!
    (chaque assemblée dispose donc d’une sorte de droit de veto, toute révision étant bloquée si l’Assemblée ou le Sénat s’y oppose.
    Une fois cette proposition ou projet votés, Pour les projets de révision, le Président de la République peut décider soit de les présenter au référendum, soit de les soumettre au Parlement convoqué en Congrès. Dans ce dernier cas, le projet de révision n’est approuvé que s’il réunit la majorité des trois cinquièmes des suffrages exprimés.

    Pour les projets de révision, le Président de la République peut décider soit de les présenter au référendum, soit de les soumettre au Parlement convoqué en Congrès. Dans ce dernier cas, le projet de révision n’est approuvé que s’il réunit la majorité des trois cinquièmes des suffrages exprimés.

    Pour les propositions de révision, le Président de la République doit nécessairement les présenter au référendum.
    Un référendum serait le bien venu!

    • vous avez raison, le referendum s’impose, le souci est que le résultat en soit réellement appliqué, pas mis au panier comme en 2005 : outrage aux Français par un certain Sarkozy.

  5. Que l’on continue les réformes institutionnelles scélérates. Déjà le Conseil d’Etat et le Conseil Constitutionnel sont discrédités, comme d’ailleurs la C.E.D.H. Il faut en plus que notre Constitution le soit. Où s’arrêtera-t-on ?
    La loi Veil instituait, à juste titre une tolérance sur l’IVG, pas un droit pour ce qui restait un mal. On a depuis défiguré sa loi en souhaitant même supprimer les clauses de conscience. On a multiplié les initiatives scandaleuses sociétales, comme la loi Taubira, en appelant mariage, ce qui était déjà acté par le PACS comme union civile. Où s’arrêtera-t-on ?

  6. « Constitutionnaliser » le droit à l’avortement ! Est-ce un progrès ? Les mêmes qui sont contre la peine de mort ! Lamentable, un moment où l’on nous annonce que pour la première fois depuis 1946, la natalité était en baisse, on manque donc d’enfants ! On parle de retraite à 60 ans ! Que d’incohérence ! Ce slogan « le corps m’appartient » est ridicule car ce futur enfant ne lui appartient pas ! Mais qu’en est-il du père géniteur ? N’a t-il pas son mot à dire (il me semble qu’un enfant se fait à deux ! ) il a peut-être le désir de l’élever ! Je suis surprise qu’on ne se pose jamais la question ! Pourquoi la femme aurait-elle seule le droit de décider de garder ou non son enfant !
    200000 avortements par an, cela fait au bout de 20 ans, quatre millions de personnes en moins, autant dire une ville qui disparaît ! De plus, le recours à une IVG n’est jamais anodin ! Beaucoup de femmes n’en sortent pas indemnes psychologiquement !

    • Depuis la loi Veil, on a procédé officiellement à douze millions d’avortements. Un chiffre à rappeler au moment de la réforme inéluctable des retraites. Va-t-on aussi constitutionnaliser l’existence les salles de crack ?

    • J’approuve ! où sont les pères ? Je suis partisante de remettre en service les maisons de protection/redressement pour filles-mères (filles perdues). Ce serait beaucoup plus utile que les garderies pour délinquants exotiques dans les châteaux abandonnés de province. Et, par la même occasion, de mettre sous surveillance rapprochée les faux médecins abuseurs d’avortements, de chirurgie esthétique et de changements de sexe, et de les réaffecter (après passage en séminaires approfondis d’éthique et de morale), comme généralistes dans nos déserts médicaux au service de la population « normale », avec gardes de nuits et de week-ends toutes les 2 semaines. Et évidemment, de supprimer l’allocation abusive  » parent isolé », sauf pour les cas très restreints de veuves et de femmes battues

    • Les « fantaisies » de Rockfeller n’ont plus de limites.L’Occident est en décadence. Il n’opèrera sa renaissance (ou sa restauration) qu’en relançant le patriarcat (comme chez les arabes qui ont, eux, une natalité florissante.

  7. La Constitution est en voie de devenir un fourre-tout idéologique, elle se déprécie elle même. On finira par y inclure les subventions à la presse de gauche, les horaires de la SNCF et les programmes télé…

  8. Est ce que nos parlementaires se sont penchés sur les complications physiques et mentales de l’IVG, il existe de remarquables thèses de médecine sur le sujet, mais non, il s’agit de détruire les bases morales de la société française, et si on demandait l’avis des foetus, plus troublant, les partisans de l’IVG sont de farouches opposants à la peine de mort pour les assassins, comprenne qui pourra.

  9. Hélas plus personne pour s’opposer aux attaques sociétales et ce depuis le PACS. Vive la décadence, après tout ça ressemble bien à la fin de Rome.

  10. Si le Code civil stipule dans son article 16 que « la loi assure la primauté de la personne, interdit toute atteinte à la dignité de celle-ci et garantit le respect de l’être humain dès le commencement de la conception » (art. 16 à 16-9 du chapitre « Du respect du corps humain »), alors, inscrire le droit à l’IVG dans la Constitution obligera à réécrire le Code Civil. C’est certainement l’unique chance pour que notre Constitution ne soit bafouée par ce texte inique.

    • Seriez-vous en train d’insinuer que nos sénateurs ne connaissent pas le Code Civil ? Ils ont surement des assistants bien informés et instruits. Non ? même cela est en pleine décadence alors. A moins que tout cela ne soit juste politique, pour ne pas dire politicaillerie.
      C’est consternant

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