« Imprévisible », la crise du coronavirus : vraiment ?

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Il y a tout juste une semaine, le président de la République s’adressait aux Français. Dans son rôle de chef de l’État, il s’agissait, pour lui, de tracer les grandes lignes, ou plutôt la ligne bleue de sortie du confinement. Au Premier ministre de mettre en œuvre. D’où son exercice de dimanche qui a réussi l’exploit d’être, tout à la fois, transparent et flou.

Une fois encore, on a expliqué qu’il allait falloir « s’habituer à vivre avec ». Valls nous avait fait le coup avec le terrorisme islamiste. Philippe a recyclé la formule. C’est ce qui doit s’appeler « se réinventer », pour reprendre les mots du Président dans son allocution du 13 avril. « S’habituer à vivre avec », c’est « faire avec » : on y trouve un soupçon de fatalité. Gilbert Bécaud en avait même fait une chanson. Cette fatalité, ne l’a-t-on d’ailleurs pas un peu trouvée, aussi, dans les propos d’Emmanuel Macron, la semaine dernière ? « Nous ressentons tous, en ce moment, la peur, l’angoisse… face à ce virus redoutable, invisible [en est-il des visibles, docteur, dites-moi ?], imprévisible. » Imprévisible ? Le virus, peut-être, mais la crise ?

Tout était écrit, pourtant. Et pas dans les entrailles de poulet, les lignes de la main ou le marc de café. Dans le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale, publié en 2008. Un document commandé par Nicolas Sarkozy, à peine élu président de la République en 2007. Dans la préface de ce document, il affirmait avoir deux objectifs : « celui que notre pays reste une puissance militaire et diplomatique majeure et celui que l’État assure la protection de tous les Français ». On ne polémiquera pas, ici, les choix concrets qui furent pris ensuite par le même Sarkozy, notamment en matière de réduction des effectifs, tant dans les armées que dans les forces de l’ordre. En revanche, ce livre avait clairement identifié le risque de menace pandémique. Il soulignait, du reste, la nécessité de constituer des « stocks nationaux correspondant aux principaux risques sanitaires ». « Stocks » : le vilain mot dans une société du flux tendu !

En avril 2013, sous François Hollande, un nouveau Livre blanc était rendu public. Là encore, la menace d’une pandémie était envisagée. Pas au fin fond d’un chapitre, paragraphe ou alinéa quelconque, mais dans le premier paragraphe de la préface signée du président de la République !

Et on lit, dans le cœur de ce document de référence, des lignes très éclairantes. « En matière sanitaire, la circulation des personnes et des marchandises, la concentration de populations dans des mégapoles et la défaillance des systèmes de santé dans certaines zones favorisent la survenue de crises majeures. Le risque existe notamment d’une nouvelle pandémie hautement pathogène et à forte létalité résultant, par exemple de l’émergence d’un nouveau virus franchissant la barrière des espèces ou d’un virus échappé d’un laboratoire de confinement. Dépendantes d’infrastructures vitales complexes, fonctionnant à flux tendus [ce fameux flux tendu !], en contact quotidien avec le monde entier, nos sociétés peuvent être rapidement et profondément perturbées par des événements qui ne frappent initialement qu’une fraction de la population. Une désorganisation au départ limitée peut rapidement se propager et être amplifiée au point de constituer une menace affectant la sécurité nationale. »Mais qui lit les livres blancs, me direz-vous ?

Faut-il donc que la France s'habitue à vivre en préparant la guerre d'avant ?

Georges Michel
Georges Michel
Editorialiste à BV, colonel (ER)

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