Le bar-tabac de Montrevel (Isère) tire le rideau. Il est à vendre. Seul commerce de ce petit village de 450 habitants, il était tenu, depuis 23 ans, par Chantal Mermet, une quinquagénaire ne comptant pas ses heures pour faire vivre ce lieu de convivialité. Las, ce n’est pas l’épidémie du Covid-19 qui aura eu raison du troquet, mais un tout autre mal bien plus pernicieux. Celui d’un sentiment d’insécurité non traité et d’une Justice qui traite les coupables comme des victimes et inversement.

Dans la nuit du 25 au 26 mai, le couple qui vit et dort au-dessus du bar entend un bruit anormal, et pour cause : une tentative de cambriolage est en cours. François Mermet, le mari, se saisit du vieux fusil de chasse du grand-père et descend voir. Apercevant la tentative d’effraction, il tire en l’air et parvient à faire fuir ceux qui disparaissent « comme des voleurs » en voiture. Sauf que l’un d’eux est blessé !

Les gendarmes débarquent au petit matin pour passer les menottes à celui qui défendait son domicile et la Justice ouvre une enquête pour « tentative d'homicide ». Est-il nécessaire de rappeler que la « victime » qui s’est présentée dans une clinique à 2 heures du matin pour se faire soigner était, selon Le Parisien, déjà « connu[e] de la justice, ce jeune de 21 ans venait de purger une peine de prison dans une affaire de stupéfiants » ?

Cette maison, elle y est née, et c’est sa mère qui tenait le bar. Mais là, c’est le coup de grâce : « J'ai déjà été cambriolée six fois ces dernières années. Moralement, c'est dur de vivre dans la peur. Alors aujourd'hui, ras-le-bol, j'arrête. Je vais vendre. Je ne peux plus continuer dans ces conditions. Je soutiens bien sûr mon mari. On l'a traité comme un tueur. On lui a mis les menottes. Mais nous, on est des victimes. Il ne faut pas inverser les rôles », confie Chantal au Parisien.

La Justice estime, elle, que le « coupable » n’était pas directement menacé. Il doit donc affronter la triple épreuve d'avoir été attaqué à son domicile, de répondre à la Justice et, en plus, de devoir se justifier d'être la victime dans cette affaire surréaliste. L’on s’interroge : fallait-il regarder le voleur et le laisser entrer ? Ou simplement lui conseiller aimablement de se retirer ? Fallait-il prendre le risque de laisser la situation se dérouler avant d’estimer les intentions d’une personne dont on ne sait si elle est armée ? Il faut croire que oui.

Un comité de soutien s’est constitué pour dénoncer l’ineptie de la situation. Le parquet abandonnera l’accusation de « tentative de meurtre » pour celle de « violences aggravées ». L’homme qui reconnaît avoir « fait une bêtise » est anéanti, le seul commerce du village cherche un repreneur, et un jeune récidiviste est déclaré en « ITT (incapacité temporaire de travail) évaluée à 15 jours ». Une histoire parmi tant d’autres en France. Le malheureux malfaiteur sera certainement enfermé quelque temps, avant d’être relâché bien évidemment, puisque c’est le sort de tous les délinquants. Autrement, il n’aura qu’à attendre le prochain confinement pour être libéré par Nicole Belloubet…

Cet article a été mis à jour pour la dernière fois le 09/06/2020 à 17:23.

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02 juin 2020 à 18:20

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