Hong Kong : le bras de fer de Donald Trump avec la Chine

Baie_de_Hong_Kong_2

Alors que l’ordre chinois règne désormais à Hong Kong, Donald Trump passe maintenant à la contre-attaque. L’une des spécificités du président américain ? Ne pas s’embarrasser des habituels usages diplomatiques pour aller à l’essentiel, quitte à froisser les chancelleries de la planète.

Ainsi vient-il de mettre fin au « statut commercial préférentiel » de cette « région administrative spéciale », sous tutelle chinoise et dont la spécificité fut de coordonner deux systèmes en un seul pays, même si, depuis la rétrocession de ce territoire par Londres à Pékin, en 1997, le seul pays demeurait la Chine, tandis que ces deux systèmes ne tendaient plus à n'en faire qu'un seul : le système chinois.

Le prétexte officiel, à en croire Donald Trump, participe du traditionnel registre humaniste : « Aujourd’hui, j’ai signé une loi et un décret pour faire rendre des comptes à la Chine en raison de sa répression de la population de Hong Kong. » Officieusement, et de façon plus sérieuse, il s’agit de frapper Pékin dans l’une de ses principales plaques tournantes financières et commerciales à destination de l’Occident. Plus précisément : « Hong Kong sera traité comme la Chine. Pas de privilège spécial, pas de traitement économique spécial et pas d’exportations de technologies sensibles. »

Paradoxalement, le président américain reprend l’exacte vulgate de son homologue chinois, Xi Jinping, voulant que la Chine et Hong Kong – en attentant Taïwan – ne constituent qu’une seule et même patrie. En quelque sorte, Pékin se trouve pris à son propre piège. Surtout lorsque Donald Trump affirme vouloir sécuriser « la recherche universitaire » en suspendant les facilités accordées à certains étudiants chinois, quand identifiés tels que « risques potentiels ». Une fois encore, le milliardaire ne mâche pas ses mots : « Depuis des années, le gouvernement chinois se livre à l’espionnage pour voler nos secrets industriels. » Il est vrai qu’avec 370.000 étudiants, les Chinois représentent globalement un tiers des élèves étrangers accueillis dans les universités américaines ; ce n’est pas un détail.

On notera que le texte en question a été approuvé à l’unanimité par le Congrès, autre détail qui n’a rien d’anodin. En effet, depuis la chute de l’URSS, Washington tenait déjà la Chine pour principal ennemi à venir. Ça se savait sous l’administration républicaine de George W. Bush, mais également sous celle, démocrate, de Barack Obama. En ce sens, Donald Trump ne fait que dire très fort ce que ses prédécesseurs murmuraient tout bas.

Après, ce coup de force sera-t-il déterminant pour l’économie chinoise ? Symboliquement, c’est un indéniable revers ; mais de manière plus concrète, voilà qui ne devrait rien changer aux grands équilibres économiques mondiaux, la part de Hong Kong dans le PIB de l’empire du Milieu étant pour le moins négligeable. Dernier détail à prendre en compte : la dette américaine appartient en grande partie à la Chine, interdépendance financière à laquelle vient s’ajouter une autre interdépendance commerciale, les USA étant l’un des principaux importateurs de produits chinois.

Dans cette guerre économique, les deux protagonistes se retrouvent donc obligés de retenir leurs coups, sachant que si l’un fléchit trop, l’autre pourrait bien trébucher. Alors, pourquoi une telle tonitruante sortie ? Tout simplement parce qu’à quatre mois d’une réélection s’annonçant de plus en plus problématique, Donald Trump a besoin de mobiliser sa base électorale.

Ses bons résultats économiques, naguère consolidés par une forte baisse du chômage, ne sont plus des arguments électoraux, le coronavirus et sa gestion pour le moins hasardeuse étant passés par là, sans négliger les émeutes raciales ayant encore contribué à diviser le pays.

D’où l’activisme diplomatique du président sortant permettant à sa base de faire assaut de patriotisme économique tout en pointant la mollesse et la pusillanimité des démocrates en la matière. À cette aune jugé, il s’agit d’un coup de poker plutôt bien mené. Reste à savoir s’il suffira à regonfler le moral de ses troupes et, surtout, à impressionner ces ancestraux joueurs de go que sont les Chinois.

Nicolas Gauthier
Nicolas Gauthier
Journaliste à BV, écrivain

Pour ne rien rater

Les plus lus du jour

L'intervention média

Les plus lus de la semaine

Les plus lus du mois