"Le roi te touche, Dieu te guérit…" C’est par ces mots que nos souverains soignaient jadis les écrouelles. Leur (très) lointain descendant Normal Ier entendrait-il reprendre le rôle ? En effet, la prestigieuse revue médicale britannique The Lancet, déplorant in limine avec une rare lucidité que "la domination de l'anglais en tant que langue des sciences et, de plus en plus, de la santé globale ferme trop souvent la porte à l'histoire et l'expérience des autres", vient d’accorder au président français l’honneur exceptionnel de signer l’éditorial d’un numéro spécial "France : de la Sécurité sociale à la santé globale". Et l’hebdomadaire de préciser que notre pays, avec son système de Sécurité sociale et l'attention qu'elle porte aux problèmes sanitaires mondiaux, "a beaucoup à offrir".

Honnêtement, à part la liberté de choix du médecin, notre Sécu n’offre pas grand-chose de mieux que les pays comparables, et pour beaucoup plus cher, mais passons, ce type de figure imposée est la loi du genre. De même que les couplets présidentiels sur l’air de "Si tous les gars du monde…" : « La France veut lutter contre le prix prohibitif de certains nouveaux médicaments tout en favorisant l’innovation. » En conséquence, « pour la première fois cette année, une réunion des ministres de la Santé des sept pays les plus riches de la planète devrait amorcer un dialogue et une coordination entre autorités de régulation, industrie pharmaceutique et patients ».

Sans trop nous expliquer la méthode qui sera proposée au G7 - car augmenter le prix du blé pour satisfaire le paysan, tout en baissant le coût du pain pour plaire aux ménagères -, c’est l'éternelle contradiction du dirigisme qui se posera tout autant pour la recherche pharmaceutique. En 80 ans, l’URSS n’a inventé aucune molécule ! Le texte présidentiel révèle aussi le sens planétaire et quasi cosmique du mot universel appliqué à la couverture maladie, la CMU de Martine Aubry née sous Jospin : « L’anticipation des urgences sanitaires et la réponse aux crises doivent s’accompagner d’une action de long terme pour renforcer les systèmes de santé et bâtir de véritables couvertures sanitaires universelles, là où c’est nécessaire. »

Au moment où la France agonise sous le poids de ses charges sociales, proposer ces open bars all inclusive de la santé au monde entier a quelque chose de surréaliste. Et un peu de modestie s’impose si on se rappelle qu’en matière de nombre d’IRM, la France reste à la traîne par rapport à la moyenne européenne - derrière la Turquie et le Portugal -, avec seulement 11,9 appareils par million d'habitants, contre 20 en moyenne en Europe. Quant à la démographie médicale libérale, la désertification dont nous ne voyons encore que les prémices était prévisible depuis des lustres, même dans les grandes villes. Au point que l’on peut se demander si ce n’était pas le but recherché…

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5 mai 2016

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