Est-ce moi qui ai la berlue ? Du shimmy dans la vision ? Qui yoyote ? Je n’ai trouvé personne - pas un journaliste, pas un présentateur télé ou radio - pour évoquer avec surprise l’entrevue entre le Premier ministre, Cazeneuve, et le vainqueur de la primaire de gauche, Hamon. Qu’ils se rencontrent n’est en rien choquant. Mais qu’ils se rencontrent à Matignon, dans un palais national que je contribue à faire fonctionner en payant mes impôts, dans l’un de ces lieux de pouvoir où le locataire est supposé travailler pour tous les Français - pas seulement pour les socialistes -, me choque.
Oh ! Je sais ! Je suis vieux jeu ! Et puis, ce n’est pas grave ! Ce n’est qu’une rencontre ! Justement : il y a des endroits pour ce genre de choses et le lieu le plus approprié est le siège du parti, rue de Solférino, et pas rue de Varennes. Et puis, a-t-on entendu parler du Premier ministre invitant François Fillon, vainqueur de la primaire de la droite et du centre, à venir papoter avec lui à Matignon ? Non ? Alors !
En réalité, ils s’en foutent, de ce que je pense, de ce que plein de gens pensent. Ils sont dans leur bulle, dans leur monde et ne voient même plus les incongruités qu’ils secrètent. Et comme il n’y en a plus pour longtemps, ils mettent les bouchées doubles. Hamon le vainqueur coupe la parole à Valls le vaincu : chapeau ! Quelle élégance. Macron-Bouche-d’or bouffe pour 500 euros par jour sur fonds publics et tout le monde s’en fiche : « C’est pas grave ! Il est hors système ! » Pas de parquet en vue, pas de perquisition éclair. Peinard, et probablement intouchable, il continue de tracer sa route. La question est : pourquoi Fillon et pas Macron ? Où sont les grands discours sur les valeurs de la République, au premier rang desquelles figure la séparation des pouvoirs ?
Et, pendant ce temps-là, on continue de faire la morale au monde entier. Hollande engueule Donald Trump : « Votre décret anti-visa, c’est pas bien ! » L’Américain aurait pu lui répondre que six des sept pays visés par son décret refusent depuis longtemps l’entrée de leur territoire aux détenteurs de passeports israéliens et qu’il ne se souvient pas avoir entendu le Président français protester ou s’indigner. C’eût été de bonne guerre et j’aurais adoré entendre la réponse de Hollande.
Ayrault, en voyage en Iran, susurre : « Je pense aux binationaux, franco-iraniens, irano-américains, qui sont meurtris par cette situation. C'est un choc pour eux, c'est vécu comme une blessure. » L’Iran refuse les passeports israéliens. Alors, à quoi joue-t-il, notre sémillant ministre ? A-t-il eu le courage de demander à son interlocuteur iranien la levée de cet embargo qui est « une blessure » pour les Israéliens ?
C’est que, chez nous, en politique intérieure comme en matière extérieure, on a l’indignation sélective et le courage en option : il y a le bien, c’est-à-dire tout ce qui, peu ou prou, se prétend socialiste, et le mal qui couvre le reste. Voyez Macron : il est socialiste comme moi je suis derviche tourneur, mais sa profession de foi, répétée tant de fois qu’elle finit par lobotomiser, lui sert d’imperméable.
Il semble bien qu’il y ait une panne d’électricité au pays des Lumières.