Guillaume Bigot analyse la polémique née des propos de Frédérique Vidal, ministre de l'Enseignement supérieur, en pointant l'importance du problème, notamment pour la formation des futurs enseignants du secondaire.

 

 

Depuis que la ministre de l’Enseignement supérieur a lancé ce débat sur l’islamo-gauchisme dans l’université, le torchon brûle encore plus entre l’Éducation nationale et ces universitaires.
Dans une tribune publiée dans Le Point, 600 universitaires, dont l’économiste, Thomas Piketty reproche au ministre de faire planer la menace d’une répression intellectuelle sur l’université.
S’attaquer à l’islamo-gauchisme est-ce finalement faire preuve de répression intellectuelle ?

Cette expression de répression intellectuelle, est une contradiction dans les termes. Si la répression n’était qu’intellectuelle ce ne serait pas de la répression. Même s’il est fait allusion au maccarthysme qui était une chasse aux sorcières pour les motifs intellectuels dans un contexte de démocratie libérale, on peut dire que la répression idéologique est institutionnalisée dans les États autoritaires et totalitaires. Même là, cela visait à traquer des gens qui partageaient des opinions et à les exclure de leur poste à responsabilité.
A ma connaissance, la ministre a juste lancé une enquête sur le sujet. C’est très maladroit, mais il n’y a pas de répression. Le terme répression paraît totalement excessif et ne fait que rappeler que l’université est attachée, comme à la prunelle de ses yeux, aux fameuses libertés universitaires qui sont constitutives de l’institution depuis le Moyen-âge. Depuis que les universités ont été créées, les universitaires ont installé l’idée qu’il y avait une sorte d’îlot qui était la conviction pour que leur travaux se déroulent de manière libre et sereine. Les libertés sont traditionnelles et préservées. En revanche, ce qui est assez curieux, c’est que les universitaires s’arrangent à l’intérieur de leur petit îlot de liberté pour être extrêmement intolérants les uns à l’égard des autres. Depuis les années 50-60 jusqu’à la fin des années 90 c’est le marxisme qui a tenu le haut du pavé au sein de l’université française. C’était très difficile d’y faire carrière.

Lorsqu’on voit des historiens comme Reynald Secher mis au banc pour avoir publié une thèse sur le génocide vendéen, ou lorsqu’on voit des journalistes comme Geoffroy Lejeune qui sont interdits de conférence, c’est un peu l’hôpital qui se fout de la charité…

Cela a toujours été le cas à l’université. Si vous regardez ce qui s’est passé au Moyen-âge, les querelles théologiques complètement folles qui avaient lieu à l’université étaient extrêmement virulentes dans le ton, et donnaient lieu à des excommunications. On essayait d’empêcher les gens qui pensaient différemment, non seulement d’avoir des postes et les faire taire et les priver de tribunes et conférences. C’est un paradoxe total. L’université revendique une liberté, mais ce qu’elle fait de cette liberté prétend n’en rendre compte qu’à elle-même. Pourtant elle fait souvent priver de liberté ceux qui ne pensent pas dans le courant dominant. C’est un grand classique de l’université française.

Pour rendre justice aux signataires de cette tribune, que diable allait faire Frédérique Vidal dans cette galère ? On a suffisamment de problèmes dans le milieu universitaire pour le moment entre la précarité des étudiants et l’interdiction du présentiel. Le moment était-il bien choisi pour lancer un débat d’une telle ampleur, dans la mesure ce débat sur l’islamo-gauchisme touche d’abord la société avant de toucher l’université ?

Je crois qu’il n’y avait pas vraiment de bons ou mauvais moments. Je ne suis donc pas tout à fait d’accord avec une partie de votre idée. C’est quand même un problème très sérieux et très grave. La tonalité idéologique qui s’impose ressemble un peu à ce que le marxisme avait réussi à faire dans les années 60-70 sachant qu’il y a moins de cohérences idéologiques et moins de force. Ce n’est pas anecdotique. Quand bien même les étudiants feraient la queue devant les restaurants universitaires, ceci n’empêche pas cela. Il faut évidemment aider les étudiants qui sont en grande difficulté. L’enjeu de ces débats idéologiques concerne évidemment les sciences sociales avant tout, la philosophie, l’histoire, la géographie, la science politique et j’en passe. Cela va conditionner la manière dont vont être formés les futurs professeurs et les instituteurs. Cela va influencer les générations entières. L’islamo-gauchisme est un des épiphénomènes. Il n’y a pas que l’islamo- gauchisme. On peut dire que ce sont des idéologies de la déconstruction qui tendent à diffuser un esprit d’auto détestation de l’Occident pas lui-même.

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24 février 2021 à 20:00

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