Guillaume Bernard : « Les boulets sont sortis, mais l’équipe reste macroniste »

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À la suite du remaniement ministériel, Guillaume Bernard analyse le sens des nouvelles nominations, mais également « l'orientation idéologique » donnée par l'ordre protocolaire du gouvernement : en premier, les Affaires européennes, puis l'Écologie, l'Intérieur n'étant qu'en sixième position.

Que faut-il garder de ce remaniement?

J’aurais envie de dire, tout cela pour ça ! Il y a quand même beaucoup de personnes qui restent, Bruno Le Maire, Jean-Yves Le Drian, etc. Ceux qui partent sont ceux qui constituaient des boulets dans l’ancien gouvernement. Dans le fond, pas véritablement de prises de guerre ni d’un côté ni de l’autre. LR a limité l’hémorragie. Du côté des Verts, il y a bien Mme Pompili, mais qui avait déjà fait sa mue vers LREM. On arrive avec un gouvernement qui semble avoir eu du mal à sortir et qui reste très macroniste, et pas tellement au-delà pour essayer d’élargir la base électorale et politique d’Emmanuel Macron.

Est-ce que Gérald Darmanin sera crédible au ministère de l’Intérieur?

Il y a des ministres qui peuvent se révéler très bons à un moment donné. Je suis un peu étonné par les prises de position qu’il prend, néanmoins. Il cherche à mettre en avant à tout prix ses origines étrangères. Il est, certes, d’origine étrangère du côté de son père. Par sa mère, il est petit fils de harki. C’est très honorable et du côté patriote.
Ce qui me paraît plus important, au-delà de la personnalité de Gérald Darmanin, c’est l’ordre protocolaire du gouvernement. En premier viennent les Affaires européennes, en deuxième l’Écologie. Il faut attendre la 6e place pour voir le ministère de l’Intérieur et la 10e place pour le ministère de la Justice. Cela montre que les fonctions régaliennes de politique intérieure, d’immigration irrégulière, d’insécurité sont reléguées bien derrière des questions d’affichage.
On a le sentiment que la campagne électorale d’Emmanuel Macron pour la présidentielle de 2022 est déjà annoncée et qu’il a l’intention de faire campagne sur les questions européennes et l’écologie.

Ce serait donc une campagne calquée sur la campagne pour les européennes…

C’est là-dessus qu’il semble vouloir insister. On sait que lorsqu’il parle de souveraineté, il ne fait pas référence à la souveraineté nationale mais à la supposée souveraineté européenne. La transition écologique renvoie à une écologie souvent punitive ; c’est la taxe carbone et une écologie monstrueuse avec les éoliennes. C’est donc de mauvais augure pour l’avenir des Français.
Il y aura un gros ministère de l’Économie, avec beaucoup de ministres délégués, puisqu’il va y avoir, évidemment, une crise économique et sociale qu'il va falloir essayer de juguler.
Mais l’ordre protocolaire, encore une fois, montre véritablement l’orientation idéologique qu’Emmanuel Macron veut donner à la fin de son quinquennat.

À votre avis, la nomination de Dupond-Moretti ne serait-elle qu’un gros coup de com’ pour cacher qu’en réalité, rien ne change?

J’avoue que je suis assez amusé par cette nomination. D’abord, c’est un avocat assez talentueux, semble-t-il. C’est un avocat très marqué à gauche. Il a soutenu Martine Aubry à plusieurs reprise, à Lille. On sait que beaucoup de magistrats sont, eux-mêmes, à gauche. Cela ne veut pas dire, pour autant, qu’il ne va pas entrer en conflit avec eux.
Il a, par ailleurs, des positions qui me paraissent intéressantes. Il est plutôt favorable au système accusatoire qu’à l’inquisitoire. Il est plutôt favorable au fait que les magistrats aient une responsabilité personnelle, lorsqu’ils prennent un certain nombre de décisions. Je trouve que ces deux points, sans être quelqu’un de gauche, méritent d’être creusés. Nous verrons bien s’il arrive à faire passer ses idées personnelles dans des projets de loi.

Guillaume Bernard
Guillaume Bernard
Politologue et maître de conférences (HDR) de l’ICES

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