Dans la nuit de dimanche à lundi, un homme a fait irruption dans la grande mosquée de Québec, tirant aveuglément dans l’assistance, assassinant six personnes et en blessant huit autres, certaines grièvement.
Un homme s’est rapidement rendu : il s’agit d’Alexandre Bissonnette, 27 ans, étudiant en sciences politiques, « apparemment sans problème ». Il a été inculpé de six meurtres avec préméditation.
Même si le bilan dramatique est comparable à celui d’un attentat terroriste, il n’en est pas à proprement parler un. L’homme n’a pas agi au nom d’un groupe particulier, et aucun, Dieu merci, n’a revendiqué son geste. Connu, selon son entourage, pour ses sympathies « d’extrême droite », il n’est cependant pas un militant. Trop introverti, trop « nerd », trop incapable d’empathie ou de don de soi pour s’engager pour une cause quelle qu’elle soit : sur son compte Facebook, il n’y pas, pour ainsi dire, que lui (ou son jumeau), parfois déguisé en Palpatine ou en Scream.
On voit le tableau : il se revendique soutien de Trump — acquérant ainsi, par procuration, un peu de cette assurance virile qui lui fait défaut — et s’emploie à "troller" sur les réseaux sociaux les comptes féministes, façon de se se venger, sans se mettre en danger, de toutes ces femmes qu’il ne se sent pas le courage d’affronter, et qui l’ont sans doute méprisé ou moqué pour ses manières empruntées.
Tout de violence rentrée, il aime les armes à feu et les films d’horreur, et c’est contre ceux — pour faire court — qui mettent en danger, pense-t-il, la seule « carte gagnante » que la vie lui ait donnée, celle d’être Québécois de souche, qu’il se déchaîne. Avant de se heurter à la réalité de son crime — il ne vivait jusque-là que dans la virtualité — et d’appeler la police. C’est, de toute évidence, un grand déséquilibré. Mais on a assez dénoncé ce mot-là sur Boulevard Voltaire, à chaque fois qu’il « arrangeait », pour ne pas se défausser.
Ce drame devrait tourner dans notre tête comme un puissant gyrophare. Et nous forcer à nous interroger.
Quelle sorte de violence nos sociétés multiculturelles déstructurées et peuplées de déjantés sans repère sont-elles en train de générer ?
Ce carnage est-il un événement isolé ou une nouvelle coulée de lave annonçant la grande éruption ?
Dans un climat très lourd, où la moindre allumette peut mettre le feu aux poudres, n’avons-nous pas la responsabilité de bien peser nos propos ?
Et surtout, biberonnées au cinéma fantastique, aux jeux vidéo qui les ont déconnectées de la réalité et ont fait du crime, du sang, du gore des scènes d’une grande banalité, élevées dans l’interdiction d’interdire, incitées à céder à leurs pulsions, baignées dans une confusion mentale antispéciste qui les fait mettre sur le même plan le chien et l’homme — donnant peut-être, ainsi, plus de prix à la vie d’un chien mais, dans les mêmes proportions, un peu moins à celle d’un homme —, en voie de totale déchristianisation jusque dans les derniers recoins, l’ultime étape étant le retour de la mécanique propitiatoire du bouc émissaire décrite par René Girard, que le Christ, en l’endossant, avait annihilée… que feront donc nos générations Y et Z quand elles seront confrontées à « la guerre civile qui vient », comme l’appelle Ivan Rioufol ?
Qui peut croire naïvement que, comme dans un western de série B, il y aura d’un côté les méchants et, de l’autre, les gentils n’usant de la violence qu’à bon droit pour une guerre juste ?
Ne faut-il pas se poser ces questions dès aujourd’hui ? Et n’est-ce pas pour cela, aussi, qu’il faut prendre les mesures indispensables pour que jamais n’advienne cette guerre-là ?