
Les manifestations de cette dérive droitière, comme diraient certains observateurs navrés du changement profond en cours de route, ne manquent pas. Les deux facteurs principaux responsables de cette évolution visible un peu partout dans le monde semblent être la crise des migrants et l’effondrement de l’autorité de l’État face aux troubles de l’ordre public.
Devant ce double défi, la social-démocratie incarnée par Barack Obama, Angela Merkel et François Hollande est visiblement à bout de souffle. Le Brexit britannique complète sa déroute. Aux États-Unis, c’est le triomphe tonitruant de Donald Trump. En France, la fin du règne lamentable de François Hollande annonce une alternance forcément à droite, quelle que soit la nuance, Bleu Marine avec Marine ou bleu pâle avec François Fillon, ce qui laisse peu de chance aux candidats rescapés de l’effondrement programmé de la gauche, même avec l’alliance contre-nature d’Emmanuel Macron avec le perpétuel candidat bégayant exfiltré du fin fond du Béarn.
Il en va de même en Allemagne, où les chances de la toujours opulente Angela Merkel d’obtenir un nouveau mandat au bout de dix longues années à la tête de la Chancellerie paraissent désormais bien compromises. On observe un réveil de l’extrême droite avec l’Alternative für Deutschland, l’AfD de Björn Höcke, qui est en plein essor. L’élection de Franck-Walter Steinmeir pour présider la coalition qui soutient Angela Merkel ne peut manquer de lui faire de l’ombre. Au surplus, cette dernière vient de se trouver un rival redoutable pour les prochaines élections en la personne de Martin Schulz. Tout cela traduit bien la recherche passionnée, en Allemagne, d’une identité perdue depuis la guerre et du besoin d’une réaffirmation nationale. D’ailleurs – sujet tabou jusqu’il y a peu -, la presse allemande n’hésite plus à évoquer sans vergogne la possibilité du départ d’Angela Merkel des affaires.
Les facteurs de ce phénomène sont divers. Il y a, bien sûr, le goût pour le changement et l’oubli des leçons du passé. Il est clair que l’idéologie socialo-libérale si superbement incarnée par la chancelière allemande a clairement fait son temps. Le public est dans l’attente d’autre chose que le libéralisme à outrance et la mondialisation. Et on voit même le protectionnisme revenir à la mode.
Mais l’accueil en masse de migrants venus d’Afrique du Nord, d’Afrique noire et du Moyen-Orient, poursuivi envers et contre tous avec une obstination toute teutonne, aura été sans doute le facteur déclenchant d’un désamour sans doute irréversible à l’endroit d’une chancelière visiblement usée par le pouvoir. Elle a innocemment joué les apprentis sorciers.
Depuis trop longtemps au sommet de l’État, cette dernière se croyait tout permis et, notamment, capable de convaincre les Allemands que c’était une bonne affaire que de combler le déficit de naissances allemand par l’immigration de masse. Dans l’esprit simplet d’Angela Merkel, il s’agissait tout simplement de remplacer par des Musulmans venus d’Afrique du Nord les enfants que les femmes allemandes se refusent à mettre au monde depuis une trentaine d’années.
Mais, sans le savoir, Angela Merkel a joué avec le feu. Car, dans le monde d’aujourd’hui, les choses se passent autrement. Les Allemands sortent de leur long sommeil hivernal et se rappellent qu’ils ont, eux aussi, une identité nationale, comme tout le monde, même si elle a été longtemps mise en sommeil après les fureurs du nazisme. Quoi qu’il en soit, les jeux sont faits et la droite et même l’extrême droite que l’on croyait évacuées pour toujours de la scène politique allemande font leur retour.
5 mars 2017