« Cela fait 4 jours que je vis sous protection policière. On est menacé de mort par la Ligue de défense noire africaines », a révélé, la semaine dernière, Geoffroy Lejeune, directeur de la rédaction de Valeurs actuelles, sur le plateau des « Grandes Gueules » (RMC). 

On peut accabler Geoffroy Lejeune - n’oublions pas qu’il a été débarqué de LCI quand Daniel Cohn-Bendit y a encore son rond de serviette, c’est dire où les médias le situent sur l’échelle de la moralité, ou peut-être, surtout, cela en dit long sur l’échelle de moralité elle-même - mais on ne peut pourtant pas le traiter de mythomane : dans une vidéo qui a rencontré grand succès sur les réseaux sociaux, on entend très distinctement le représentant de la LDNA menacer les journalistes de leur « arracher les bras ».

Dans l’indifférence générale.

Imagine-t-on la déflagration nucléaire si, après un dessin offensant une élue du RN, un groupe d’identitaires avaient fait irruption dans les locaux de Libération en promettant tranquillement de démembrer les journalistes ? Une minute de silence à l’Assemblée nationale, un monument offert pas Jeff Koons à la mairie de Paris en hommage à la liberté d’expression, un bandeau noir sur les unes de tous les journaux ?

Quel que soit son avis sur le fond de cette affaire, un homme de la corporation honnête pourrait au moins reconnaître que le jeune directeur de la rédaction de Valeurs actuelles, faisant rempart pour l’auteur et le dessinateur, assume sans faiblir ses responsabilités.

Il pourrait aussi, s’il était encore plus honnête, trouver bien peu professionnelle l’hystérique curée orchestrée par ses pairs dont fait l’objet, ce week-end, Louis de Raguenel, recruté par Europe 1 pour ses grandes qualités de journaliste d’investigation, mais ayant commis le crime de venir de Valeurs actuelles.

Mais quand bien même il n’aurait pas cette double honnêteté, il pourrait simplement être, sinon solidaire de ses confrères, au moins humain et responsable. C’est de vie et de mort qu'il s’agit ! On sait, hélas, pourtant désormais qu’un carnage dans une rédaction n’est pas une vue de l’esprit.

On me permettra de raconter cette petite histoire, qui date de 2015 : nous sommes en novembre, au lendemain du tragique attentat du Bataclan. Un peu par hasard, la rédaction de Boulevard Voltaire se rend compte que le site de France Inter a subrepticement changé l’un de ses titres : la claironnante affirmation « Réfugiés : le fantasme de l’infiltration terroriste » s’est muée, ni vu ni connu, en une neutre et humble question : « Des terroristes parmi les migrants ? »

Que s’est-il passé, dans l’intervalle ? On s’est tout simplement aperçu - et toute la presse en parle - que des terroristes du 13 novembre avaient profité de la route des migrants pour se rendre en Europe.

La rédaction de Boulevard Voltaire (c'est de bonne guerre) décide aussitôt de mettre en exergue avec ironie ce changement de pied prudent, démontant - fact-checkant, comme on dit maintenant - par une courte vidéo bien troussée le rectificatif discret de France Inter. La vidéo rencontre un succès immédiat sur les réseaux sociaux. Il faut dire que la ficelle est grosse.

Mais voilà qu’Emmanuelle Ménard, alors rédactrice en chef de Boulevard Voltaire, reçoit un appel d’Élisabeth Lévy : celle-ci a été chargée, par ses contacts chez Radio France, de convaincre Boulevard Voltaire de retirer la vidéo afin de faire descendre la pression : la journaliste mise en cause dans le reportage aurait reçu des menaces.

Emmanuelle Ménard, après consultation de ses journalistes et en rédactrice en chef responsable, décide de supprimer cette vidéo… alors que rien ne l’y force et que cette vidéo « buzze » comme jamais. Elle le fait pour la sécurité de cette journaliste, et rien que pour cela : "La rédaction de Radio France nous ayant affirmé que la journaliste mise en cause dans notre reportage avait reçu des menaces, nous avons décidé de retirer cette video. La vidéo est donc entièrement effacée de Youtube." (Cette mention est toujours visible).

Il y a deux jours, le site de France Inter, sous la plume de Sonia Devillers, qualifiait Boulevard Voltaire de « site d’extrême droite, voire tête de pont de la fachosphère »

Il faut croire, dans ce cas, que la fachosphère est parfois plus humaine que la lâchosphère, n’est-ce pas… qui n’a pas eu un mot ni un geste pour la sécurité des journalistes de Valeurs actuelles.

31288 vues

06 septembre 2020 à 22:00

La possibilité d'ajouter de nouveaux commentaires a été désactivée.