S’il est un exercice auquel sont rompus nos journalistes politiques, c’est bien de spéculer sur les fractures qui mineraient, selon eux, le Front national. Quête d’audience aidant, il n’est ainsi quasiment plus de jour sans que ces éditocrates patentés ne pointent d’hypothétiques divisions censées lui être fatales, qu’illustreraient les prétendues contradictions entre Marion Maréchal-Le Pen et Florian Philippot.

À les écouter, ces deux-là ne s’accorderaient plus sur rien, et surtout pas sur la meilleure façon de convoler. Pour preuve de leur discorde, une volée de bonsaïs un peu vive, l’un déclarant qu’ils pourraient tout autant que d’autres prétendre à un collectif quand il lui était répondu que ces délicates miniatures végétales ne survivaient pas plus de deux semaines dans d’autres mains. Pauvres bonsaïs !

Mais nonobstant les traits d’esprit plus ou moins heureux et les inclinations propres aux personnalités précitées – le Front national n’est pas une secte, fut-il rappelé –, qu’en est-il réellement, trois ans après son adoption, de leur désaccord supposé sur la funeste loi Taubira ?

Questionné sur celle-ci, Florian Philippot a indiqué qu’il s’était agi d’une diversion politique. Constat pertinent puisque, si le but avait été d’apporter aux couples homosexuels une réelle égalité des droits, il eût alors suffi au pouvoir de leur proposer un contrat d’union civile sans toucher à l’institution du mariage. À rebours de toute volonté consensuelle, l’affrontement fut recherché à des fins politiciennes retorses auxquelles l’actuel résident de l’Élysée nous a, depuis, accoutumés. Florian Philippot a ainsi logiquement réaffirmé que le « mariage pour tous » serait remplacé par un PACS amélioré - position officielle du FN dès l’ouverture du débat.

Quant à Marion Maréchal-Le Pen, que n’a-t-on entendu de quolibets et de doctes développements, arguant que là était le point de rupture, lorsqu’elle releva les dérives potentielles de ce texte en prenant pour exemple la revendication, dès lors envisageable, de la polygamie. Mais aucun commentateur ne rapporta la raison de son propos, qu’elle ne cesse pourtant de répéter : le mariage n’est pas une reconnaissance sociale de l’amour.

À la décharge des bobardiers qui nous tiennent aujourd’hui lieu de journalistes, les questions de civilisation ne sont pas leur premier souci. Et quand bien même elles le fussent, occulter l’argument au profit d’un raccourci volontairement simpliste aux fins d’entretenir aux yeux du public une rivalité factice entre deux figures majeures du courant national est bien dans leurs méthodes.

Si ces diseurs d’opinion avaient toutefois pris la peine de consulter l’étude du très sérieux Centre de recherches politiques de Sciences Po (CEVIPOF) sur le vote aux élections régionales de 2015 des principaux concernés – les couples homosexuels mariés depuis l’application de ladite loi –, ils auraient pu vérifier qu’un tiers de ceux-ci avaient voté pour le FN, le score flirtant avec les 40 % pour les ménages gay masculins.

A contrario de toute supputation hasardeuse, le verdict des urnes confirme ainsi l’adhésion indistincte des couples de même sexe aux sensibilités exprimées par Florian et Marion : s’ils entendent à bon droit protéger leur partenaire des aléas de la vie, la pantomime grotesque à laquelle ils ont été soumis pour y parvenir les dissuade visiblement d’entériner le "changement de civilisation" induit là par Mme Taubira.

À l’aune de leurs approximations partisanes, les petits marquis de la caste médiatique auront bientôt tout loisir d’aller cultiver leurs bonsaïs. Ça demande des soins attentifs, un bonsaï.

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23 mai 2016

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