Bernadette Chirac est une Française comme on n’en fait plus. Catholique, épouse admirable, mère de famille courageuse, cette femme profondément enracinée, issue de vieille souche gauloise, est proprement infatigable.

À 81 printemps, l’ex-première dame arpente les terres rad-soc de la Corrèze qui a donné deux Présidents à la France et dont elle fut l’inoxydable élue depuis 1979. Un bail ! Briguerait-elle un siège dans le nouveau conseil départemental de cette province limousine ? Nenni. Cette fois, la conseillère municipale de son petit village de Sarran s’est offerte comme remplaçante du binôme estampillé UMP. Mais que diable, à cet âge respectable, va-t-elle faire dans cette galère ? Laver l’affront élyséen qui, vu de Brive et de son ancien canton, est un affront national. L’actuel locataire du faubourg-Saint-Honoré a osé sacrifier « son » canton.

La suppression, sans crier gare, de cette circonscription, jusque-là demeurée intouchable, quasi sacrée, notre Bernadette nationale la vit comme une "humiliation", un "manque de respect" de la part d’un François Hollande, décidément, bien peu reconnaissant. On se souviendra, en effet, que lors de la présidentielle de 2012, un Chirac alacre portait publiquement son choix sur son « compatriote ».

Au-delà de l’anecdote non dénuée de portée politique (ce bastion traditionnel de la gauche pourrait basculer sur sa dextre), l’épisode est révélateur d’un changement d’ère. Cette authentique élue de terrain, que les médias appellent familièrement par son seul prénom, est la femme d’une époque révolue. Une époque des bonnes manières, du respect des conventions, de la bienséance en toute occasion. Celle où l’on s’abstenait de faire des choses qui ne se font pas. Oh ! certes, la politesse ou le savoir-vivre n’ont guère eu leur « âge d’or » et ce qui, jadis, tombait sous le coup de la loi, ne relève plus aujourd’hui que de la simple bonne éducation et inversement.

Implicitement, madame Chirac reproche au président de la République d’avoir manqué de tact, de délicatesse. Il peut paraître malaisé de marier les logiques institutionnelles avec la subtilité d’un protocole aussi particulier que la politique. Car c’est bien de cela qu'il s’agit, de ce que le diplomate Jean Serres dénommait le "savoir-vivre des nations" ou, selon le général de Gaulle, "l’expression de l’ordre dans la République". Autant de rites et usages qui s’appliquent à la classe politique comme à l’ensemble des gouvernants.

François Hollande, bien que visitant régulièrement son prédécesseur, comme pour aller recueillir les conseils d’un vieux sage, a manqué, de façon éclatante, bien que passée inaperçue (qui se soucie de bienséance, aujourd’hui ?), à tous les devoirs de sa charge. Faut-il s’en étonner ? Quand l’ordre et la nation précités se trouvent dilués dans le grand marché planétaire, il n’y a plus de place pour aucun « savoir-vivre ». Renaud Camus notait justement que "les manières ne peuvent être enseignées, parce que rien ne peut être enseigné en régime hyperdémocratique".

Mme Chirac n’était peut-être pas une femme du XXe siècle. M. Hollande est certainement un goujat du XXIe.

Cet article a été mis à jour pour la dernière fois le 01/07/2023 à 1:58.

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20 mars 2015

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