Rien de tel qu’un ancien responsable politique revenu à la vraie vie pour prononcer les mots qu’on a attendus en vain lorsqu’il était au pouvoir. Ainsi, Ségolène Royal ou Manuel Valls surprennent de temps à autre. François Fillon, Premier ministre de 2007 à 2012, a répondu assez clairement, ce 2 mai 2023, aux questions de la commission d’enquête de l'Assemblée nationale relatives aux ingérences politiques, économiques et financières de puissances étrangères. Commençons par éjecter le prisme étroit d’esprit que l’extrême gauche NUPES a tenté d’imposer : la commission étant demandée et présidée par un député RN (Jean-Philippe Tanguy), elle n’a ni intérêt ni légitimité. Bien sûr. Le RN n’a-t-il pas bénéficié d’un prêt de la part d’une banque russe ? Et voilà pourquoi la commission devait être muette.

Que nos amis NUPES nous autorisent à aller un tout petit peu plus loin, si cela ne les dérange pas exagérément. Voilà un homme d’État qui fut cinq ans au sommet du pouvoir en France, supportant le très mobile Président Sarkozy. Ancien candidat à la présidentielle, clairement positionné à droite sur l’échiquier politique, évacué de la course sur de picrocholines affaires de costumes et de salaires versés à son épouse, Fillon a rappelé cette boussole simple pour un dirigeant politique dans un pays plus déconstruit que le mari de Sandrine Rousseau, c’est l’intérêt national. La suite, on la connaît : on n'a pas eu Fillon mais Macron.

Hostile aux sanctions

Pendant ce temps, Fillon lâche la politique et intègre le conseil d'administration du groupe pétrolier russe Zaroubejneft. Il est aussi administrateur indépendant au conseil d'administration de SIBUR, un géant de la pétrochimie russe qui serait contrôlé par des proches de Vladimir Poutine. Survient la guerre en Ukraine : sentant le coup fourré ou réellement opposé à l’invasion de l’Ukraine - saura-t-on jamais ? -, Fillon démissionne des conseils de ces deux entreprises russes. Il a eu des liens avec la Russie par leur intermédiaire entre 2021 et 2022, assume-t-il, il n’en a plus. Il devait être rémunéré, il ne l’a pas été.

Pour que tout soit clair auprès de nos amis complotistes de gauche toujours inventifs et grands lecteurs, BV n’a aucun lien de près ou de loin ni avec la Russie ni avec Fillon. Notre site a toujours condamné l’invasion russe de l’Ukraine et ne touche évidemment pas un rouble du pays de Poutine. Le souci de la France nous suffit. Quant à Fillon, il a été suffisamment écorné ici pour qu'on ait besoin d'argumenter.

L’interrogatoire du 2 mai a ceci d’intéressant qu’il donne quelques coups de canif assez réjouissants à la doxa et à la bonne conscience de l’Hexagone. L’occasion de réfléchir plus large. Première entaille, l’ancien Premier ministre interroge l’efficacité de la réponse occidentale, Europe et États-Unis confondus, à l'invasion armée de l'Ukraine par les Russes. « Je suis totalement hostile aux sanctions, dit-il. Pour trois raisons. » D’abord parce que cela n’a jamais marché, assure Fillon. « Il n’y a pas un seul exemple dans le monde d’un pays qui ait baissé la tête parce qu’on lui a imposé des sanctions. » Ensuite, parce que les sanctions ont davantage d’effets sur notre économie que sur l’économie sanctionnée : « J’ai vu en Russie, entre 2014 et 2020, comment tout un pan de l’économie s’est créé pour répondre aux sanctions », fromages et viande bovine en tête. Enfin, « ces sanctions viennent toujours du même endroit, des États-Unis et d’Europe : ce sont les Occidentaux qui imposent leurs sanctions au reste du monde », explique un Fillon prophétique, qui poursuit : « Et si vous ne ressentez pas à quel point cette politique fait monter dans le monde un ressentiment contre les Occidentaux, vous ne voyez pas arriver l’orage qui va malheureusement s’abattre sur l’Europe et sur l’Occident. »

Ingérences... américaines

L’ancien Premier ministre épingle cette supériorité autoproclamée des élites mondialistes qui, du haut de ce qui reste d’une civilisation bâtie par d’autres, arrose le monde de ses leçons de morale à quatre sous. « On ne peut plus parler au reste du monde comme si on était les maîtres de la classe », martèle Fillon pour qui, si « une immense majorité de la population mondiale » ne s’associe pas aux sanctions contre la Russie, « c’est parce que ces pays ne supportent plus ce qu’ils considèrent comme une forme d’arrogance, [quand] des pays riches imposent à des pays plus pauvres des sanctions économiques ».

Deuxième entaille, les fameuses ingérences étrangères. Un outil bien commode, manipulé avec un strabisme géant par nos bons maîtres à penser. Fillon note bien des ingérences étrangères en France, mais ce ne sont pas celles qu’attend la gauche morale. Il dénonce d’abord l’ingérence des… États-Unis. Devant les députés, Fillon rappelle que Sarkozy et lui ont été écoutés pendant cinq ans par la NSA américaine. Il remémore aux élus l’incroyable principe d’extra-territorialité de la Justice américaine qui tranche donc les affaires qui la concernent à sa manière dans tous les pays du monde. Il évoque l’espionnage chinois sur Airbus et évoque les ingérences, bien réelles celles-ci, mais jamais mentionnées, de la Turquie, du Maroc ou de l’Algérie. Des pays « qui donnent directement des consignes de vote par l’intermédiaire de responsables religieux », rappelle l'ancien Premier ministre. Fillon assure qu’il n’a pas été confronté à des ingérences russes, « ce qui ne veut pas dire qu’il n’y en a pas eu », admet-il.

Complotisme de gauche

Troisième entaille dans la pensée confortable de ce que le regretté Philippe Muray appelait les « matons de Panurge », ces consciences qui gardent les pensées du troupeau dans le pré carré du politiquement correct, le procès inversé en… complotisme adressé à la même gauche morale. Pour Fillon, penser que les Russes influencent les idées en France via le Web, qu’ils ont provoqué le Brexit ou obtenu l’élection de Trump tient au mieux d’une pensée « farfelue », au pire du « fantasme ». L’impact peut exister, admet-il, mais il est « marginal ». Un bon sens qui a la force de l'évidence mais qui valait d'être dit.

Enfin, à propos de sa reconversion dans les affaires sur laquelle il est interrogé, Fillon revendique sa liberté. Il a cette phrase : « Je ne sais pas si vous vous rendez compte du rétrécissement progressif des libertés individuelles auxquelles on assiste. » Ce 2 mai 2023, tandis que la NUPES éructe contre la présidence de Jean-Philippe Tanguy, Fillon parle d’or.

Cet article a été mis à jour pour la dernière fois le 05/05/2023 à 6:58.

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03 mai 2023 à 22:00

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83 commentaires

  1. Le RN a bénéficié d’un prêt de la part d’une banque russe. Oui mais il s´agit d´un pret qu´il rembourse alors que le PCF a été financé pendant des dizaines d´années par les valises de billets de l´URSS, sans que personne n´ose rien dire.
    Et que dire de certains responsables politiques arrosés par l´argent du Quatar ?

  2. Il n’est Jamais trop tard pour penser juste, avant de passer à l’Orient Eternel ! Mais il est hélas probablement trop tard pour la France avec des gestions nationales comme la sienne et celle de Sarkozy qui ont ouvert grand la porte du gouffre dans lequel nous sombrons ! Et précisément en matière de mondialisation, d’européisme, d’immigration, de baisse de la garde judiciaire… etc… Quelle honte !

  3. Article interessant dont le mérite est de nous faire savoir ce qu’est devenu F. Fillon après sa mésaventure (organisée) lors de la présidentielle de 2017
    Paix aux hommes de bonne volonté !! Bonne soirée, et merci.

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