France Gall : la surprise-partie est finie…

Mademoiselle Gall n’est plus. Elle qui portait un si joli prénom, même s’il n’était pas tout à fait le sien. Isabelle, se prénommait-elle. Mais France Gall, voilà qui devait plaire aux amateurs d’ovalie.

France Gall, c’était un peu la petite amie qu’on avait tous envie de promener par la main. La fille des surprises-parties, à la voix de bonbon acidulé, propre à chanter les sucettes coquines de cet élégant sagouin de Serge Gainsbourg. Il en a également fait une poupée de cire et de son qui gagna l’Eurovision, même si ce fut sous les couleurs luxembourgeoises.

France Gall, bien sûr, on ne l’a jamais tenue par la main, si ce n’est dans nos rêves. Elle avait d’autres cœurs à briser à l’époque et il ne s’agissait pas des nôtres. Dommage. "Souffrir par toi n’est pas souffrir", chantait Julien Clerc en se souvenant de leur liaison passée. Comme d’habitude, Claude François a souffert plus qu’à son tour, se rappelant leurs amours défuntes. Nous, on se contentait de souffrir en silence, comme d’habitude.

France Gall n’a eu qu’un seul grand amour dans sa vie : le délicat Michel Berger. Il lui a offert ses plus grands succès, en jouant "du piano debout", tandis qu’elle chantait "résiste". Mais comment et surtout pourquoi lui résister ? Les joyaux les plus célèbres ne sont pas forcément les plus beaux des diamants. Celui qui présente la plus belle eau est ce premier album qu’il lui compose et lui offre, sobrement intitulé "France Gall".

France Gall, on l’imaginait en studio, quand elle susurrait "comment lui dire" "la déclaration d’amour". Deux chansons dans lesquelles il lui dit sa déclaration, sauf que c’est elle qui la lui chante. C’était gracieusement ciselé en miroir. Miroir, miroir, qui était la plus jolie ? Ben, France Gall, pardi !

France Gall, cheveux d’ange et délicieux minois, était la discrétion incarnée. On la savait amoureuse de l’Afrique. Mais pas à la façon d’une Madonna qui s’en va faire les soldes sur les marchés du Malawi, s’acheter un enfant en même temps qu’une bonne conscience. France Gall, elle, vivait au Sénégal la moitié de l’année, s’impliquant dans la vie locale, les hôpitaux, les écoles, les récoltes, l’irrigation. Comme elle ne détestait pas les plaisirs de la table, elle avait même ouvert un restaurant là-bas.

France Gall avait le cœur humanitaire. Mais plutôt que d’accueillir en France des Africains n’ayant rien à y faire, elle s’appliquait à ce que ces mêmes Africains puissent vivre heureux en Afrique, la terre de leurs ancêtres.

Aujourd’hui, le musicien Youssou N'Dour assure avoir perdu une sœur et les Sénégalais l’une des leurs. Et nous ? Nous, nous voilà bien tristes. Les lumières se rallument. La boum est finie. On range les 45 tours en croquant les derniers crackers. Les copains et les copines rentrent chez leurs parents. Demain, il y a école. "Sacré Charlemagne"…

Entre amis, on se partage les dernières Gauloises du paquet piqué au paternel. On se dit qu’elle était bien mignonne, la petite blonde au corps de fée que personne n’a osé inviter à danser. Comment elle s’appelait, déjà ? France Gall ? C’est ça, France Gall. On se dit encore que, samedi prochain, à la prochaine boum, on prendra son courage à bras-le-corps, pour un slow, pour pouvoir étreindre sa taille de nos mains moites et maladroites. Oui, la prochaine fois, on osera… Comment ça ? Il n’y aura pas de prochaine fois ? Elle est vraiment partie pour de bon ? Oui, pour de bon.

Au revoir, petite France, partie en même temps qu’un pan de notre adolescence.

Nicolas Gauthier
Nicolas Gauthier
Journaliste à BV, écrivain

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