France 2 et la « poutinophobie » institutionnelle

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À force, ça en deviendrait presque comique : Poutine par-ci, Poutine par-là, Poutine derrière les sondages truqués, les seringues qui s’égarent, les vaccins frelatés, les éruptions solaires, la pollution atmosphérique, le réchauffement climatique, les comptes bancaires piratés, les élections manipulées, les Femen qui se suicident, les économies qui grimpent comme celles qui s’effondrent… On en oublie, et de plus farfelues.

Bref, Poutine repoussoir. Poutine le Méchant, avec un grand M.

En Europe, dans le monde occidental et particulièrement chez nous, la "poutinophobie" est devenue institutionnelle. Si l’on veut être compté parmi les gens bien et les belles personnes, il faut impérativement y sacrifier. Tout ou rien. L’époque n’est pas aux nuances.

Le plus drôle, dans cette histoire, c’est que les mêmes qui militaient jusqu’il y a peu pour la Russie soviétique et ses épigones, tous les adorateurs de Staline, Mao et autres Pol Pot, n’ont pas de mots assez durs, aujourd’hui, pour "cet ancien du KGB" !

« Poutine est un affreux dictateur », clament-ils en chœur. Et les trois qu’on vient de citer, ceux dont ils étaient tous enamourés - passion coupable dont on ne sache pas que nos brillants intellectuels se soient jamais repentis -, c’était quoi, au juste ? Oui, mais voilà, Poutine est aujourd’hui réputé d’extrême droite. La preuve : il aurait prêté des sous au Front national.

C’est l’été, et même le creux de l’été, le temps où les bleus sont à la manœuvre. C’est l’apothéose des stagiaires, quand l’occasion est donnée de « faire ses preuves ». Résultat : degré zéro de la réflexion et de la politique, acmé de l’ignorance et de la bêtise… Exemple : dans le florilège des âneries entendues ces derniers jours, une voix féminine, sur France Info, nous a expliqué que la sonde Parker allait à de nombreuses reprises, durant sept ans, "traverser la surface du soleil". Sic. Costaud, la sonde !

Sur France 2, organisme d’État, on a le son ET l’image. Au cours d’un sujet consacré aux vacances des présidents, France 2, toujours soucieuse de bien faire là où il faut et comme il faut, a diffusé, vendredi dernier, un reportage totalement bidonné sur les vacances du président russe. "Vladimir Poutine épate le plus la galerie : chasse au tigre en Sibérie (Russie), plongée dans les eaux glacées du lac Baïkal. Avec le maître du Kremlin, la propagande ne prend jamais de congés", affirme alors Valérie Astruc, qui n’est pas particulièrement une débutante. Histoire de prouver à quel point le Poutine est une sale bête, on propose au téléspectateur l’image du président posant devant un tigre à terre - mort, le tigre, cela va de soi.

Sauf, comme le signalent tous les confrères, que ces images datent de dix ans en arrière, et qu’elles n’illustrent ni les vacances du président russe ni une chasse au tigre. Bien au contraire, il s’agit de la réintroduction de l’animal en Sibérie septentrionale dans le cadre du programme « Tigre de l’Amour ». (Au passage, pour les journalistes de Libération qui semblent l’ignorer puisqu’ils oublient la majuscule, je signale que l’Amour est, ici, un fleuve, pas la dernière passion de Poutine !)

Que France 2 bidonne, cela n’est pas une nouveauté. Qu’elle bidonne deux fois sur le même sujet, c’est énorme. On signale, en effet, que la chaîne avait déjà produit, en 2013, cette même image pour illustrer la prétendue passion de Poutine-le-sanguinaire pour la chasse au tigre.

Devant le tollé suscité sur les réseaux sociaux, France 2 a fait de plates excuses trois jours plus tard, au JT du 13 août. "Ce n’est pas une “fake news” mais une erreur involontaire que la direction de l’information de France Télévisions regrette", a dit le service presse.

Involontaire ? Et ils nous prennent pour des buses, en plus !

Marie Delarue
Marie Delarue
Journaliste à BV, artiste

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