Bonjour Marine Le Pen et merci de répondre aux questions de Boulevard Voltaire.

C’est un plaisir.

Selon un sondage Harris Interactive publié vendredi 14 avril, les Français considèrent que la campagne électorale est « ratée (46 %) et décevante (55 %) »… Quelle est votre impression ?

Je pense la même chose qu’eux. Je me faisais un plaisir de cette élection présidentielle parce que, enfin, elle allait permettre de mettre sur le tapis les gigantesques sujets qui sont ceux qui préoccupent la France : immigration massive, mondialisation, libre-échange général, défense de notre identité, de notre patrimoine aussi bien matériel qu’immatériel, ou encore défense de notre modèle de protection sociale. En réalité, tout cela s’est effondré par une sorte de jeu de ping-pong entre les juges et les journalistes. On finit, d’ailleurs, par se demander si ce n’était pas voulu, précisément pour étouffer les grands enjeux qui sont ceux de la présidentielle et dont je dis, moi, qu’ils sont des enjeux de civilisation…

Si l’on en croit les sondages, vous devriez finir à quatre dans un mouchoir de poche…

Ça sent un peu l’ouverture de parapluie, ça… Nous verrons bien, mais je pense que le FN sortira en tête, et largement. Pas par hasard mais parce que la vision de la France que nous défendons est majoritairement partagée par les Français. Les Français ne veulent plus de cette immigration massive, veulent qu’on lutte sérieusement contre le fondamentalisme islamique - ce qui n’est pas fait -, ils veulent qu’on arrête la concurrence internationale déloyale, qu’on fasse du patriotisme économique. Bref, ils souhaitent qu’on s’occupe d’eux et veulent se sentir à nouveau propriétaires de la France et non pas locataires sans droits ni titres, comme on cherche à leur faire croire depuis des mois et même des années.

Vous sortez de votre meeting à Perpignan et l’un des slogans le plus scandé par vos militants est « On est chez nous ! »

Oui, j’ai d’ailleurs précisé aux journalistes présents et qui avaient l’air émus par ce slogan que ce n’était pas un cri de haine mais un cri d’amour. « On est chez nous » signifie « On aime la France » et qu’on veut que la France reste la France. Dire qu’on est chez soi, ce n’est pas rejeter l’autre mais inciter chacun à respecter le peuple français. Vous noterez, d’ailleurs, que les militants ne scandent pas uniquement cette phrase lorsque l’on parle d’immigration ou de fondamentalisme islamique mais aussi quand on parle de priorité nationale ou quand on parle du système de défense de protection sociale des plus faibles. Ils ne veulent pas se plier aux exigences de l’Union européenne qui veut les déraciner, qui veut faire s’effondrer des siècles de lente construction non seulement de notre pays mais de nos liens et de l’organisation de notre société.

Vous mettez souvent en avant votre condition de femme et de mère. Vous avez trois enfants : est-ce que c’est pour eux que vous faites tout cela ?

Évidemment. Je ne le fais pas pour moi… Comme beaucoup de Français, qui ne pensent qu’à leurs enfants. Et qui constatent que plus ça va, génération après génération, et plus c’est dur… moins ils pourront avoir accès à un travail ; plus l’école s’affaiblit et même s’effondre ; plus la solidarité se délite ; et surtout plus notre culture, notre identité se dissout, notamment au travers d’une immigration massive qui est le siège d’un communautarisme et d’un multiculturalisme revendiqué par mes adversaires politiques. Prenez l’exemple de la sécurité… Moi, je m’adresse à tous les Français et je leur demande : pensez-vous sérieusement que monsieur Macron, par exemple, sera capable d’assurer la sécurité de vos enfants ? Croyez-vous qu’après cinq années à ne rien faire, monsieur Fillon va brutalement changer, découvrir qu’il aurait du courage et des convictions, et se mettre à appliquer la politique que vous attendez pour retrouver non seulement une protection mais des limites ? Je suis la candidate des limites. Quand il n’y a pas de limites, c’est le chaos, le désordre. Moi je veux poser des limites. Cela passe par les limites que représentent nos frontières, mais aussi par celles de l’autorité qui n’existe plus dans notre société, que ce soit à l’école ou dans la justice. Ce sont également les limites que l’on doit opposer aux dérives ou aux abus des lois du marché. Voilà, je veux être cette candidate des limites car poser des limites, c’est rétablir l’ordre, et donc la sérénité…

Vous parlez des limites, d’autorité, de l’école. Justement, sur ce dernier point, l’une de vos mesures phares est la possibilité du retour à l’apprentissage dès 14 ans. Or, certains estiment que c'est un retour 60 ans en arrière, puisque c'est en 1959 qu'a été instituée l'école obligatoire jusqu'à 16 ans. Que leur répondez-vous ?

Il suffit de regarder les résultats du collège unique : ils sont déplorables ! L’école ne remplit plus son rôle et ne permet plus d’être cet ascenseur social qu’elle était et qui permettait à des enfants issus de familles extrêmement modestes de pouvoir arriver tout en haut. Cela n’existe plus aujourd’hui. Ceux qui arrivent tout en haut sont ceux dont les parents ont des relations ou ceux dont les parents peuvent payer les cours complémentaires nécessaires. On a rompu complètement avec l’égalité républicaine comme nous l’entendons, c’est-à-dire celle qui permet de donner sa chance à chacun. Si on relève le niveau de l’école, si on rétablit l’exigence des savoirs fondamentaux comme je veux le mettre en œuvre – vous savez, par exemple, que je veux réserver 50 % des apprentissages au primaire au français et non pas « en » français, comme l’a compris Najat Vallaud-Bekacem —, à ce moment-là, nos enfants auront toutes les armes en mains à 14 ans. Et ce n’est pas parce qu’ils se dirigeront vers une filière professionnelle qu’il n’y aura plus du tout de cours pour leur permettre d’aller plus loin dans telle ou telle matière… Mais nous cesserons ainsi de maintenir des enfants dans un système scolaire qu’ils n’apprécient pas et pour lequel ils ne sont pas faits. Cela permettra aussi de revaloriser le travail manuel parce que, aujourd’hui, on pousse des gamins jusqu’à 16 ans. Mais lorsqu’un enfant n’a plus envie, il ne se sent pas bien à l’école, alors autant lui permettre d’apprendre un métier… 14 ans me paraît être le bon âge.

Vous dites que l’école est en échec et votre constat semble être partagé par de nombreux Français. Vous êtes pourtant assez prudente sur les écoles hors contrat…

Non, je ne suis pas prudente : je souhaite simplement que l’État s’assure que les enseignements délivrés dans ces écoles correspondent aux valeurs de la République. Car il ne faudrait pas que ces écoles hors contrat constituent un vecteur pour que les fondamentalistes islamistes, qui s’immiscent à peu près partout dans notre société, dans les associations culturelles, sportives etc., se saisissent également de ce secteur. Il suffit simplement pour l’État de mettre en place un contrôle classique. Ni plus ni moins que ce qui devrait être fait depuis longtemps. Mais je ne suis en aucune manière pour la disparition du hors-contrat…

Vous souhaitez également remettre en cause l'accès à l'enseignement scolaire gratuit pour les enfants de ressortissants étrangers. Or, c’est une mesure qu’il sera très difficile à mettre en œuvre en raison des traités internationaux ratifiés par la France.

Non, puisque dans la révision constitutionnelle que je proposerai aux Français, j’imposerai l’autorité de la loi nouvelle sur les traités européens et le droit dérivé antérieur. Donc, chaque loi nouvelle qui sera votée aura une autorité supérieure, ce que je trouve tout à fait légitime puisqu’il n’y a pas de démocratie sans souveraineté et il n’y a pas de souveraineté si nos lois, lorsque nous les votons, sont soumises à la censure de technocrates européens.

Concernant l’enseignement scolaire gratuit, je dis simplement que lorsqu’on arrive dans un pays, on peut se voir appliquer un délai de carence – délai que je fixe à deux ans – avant de pouvoir accéder à l’ensemble des services publics gratuits qui coûtent si cher aux Français. L’école primaire, c’est 4 à 5.000 euros par an et par enfant, le lycée, c’est 6 à 7.000 euros par an et par enfant. Imposer ce délai de carence ne veut pas dire, d’ailleurs, ne pas scolariser les enfants ; cela signifie que l’école ne sera pas totalement gratuite pendant deux ans quand des étrangers viendront dans notre pays. Cela existe ailleurs et je rappelle que la gratuité reste exceptionnelle : très peu de pays mettent en place la gratuité totale, que ce soit pour les soins ou pour l’école. S’il y a des sacrifices, des économies à faire, il faut arrêter que ce soit toujours les Français qui les fassent…

Un thème est assez absent de cette campagne électorale : la culture. Sauf pour dire que la culture française n’existe pas… Certains vous reprochent une vision de la culture qui se bornerait à la protection du patrimoine.

J’ai présenté 144 engagements. Évidemment, l’intégralité de mon projet ne peut pas être présent dans ces 144 engagements. Il est donc faux de dire que je me limiterais à la protection du patrimoine. Mais il est vrai que je pense que cette prérogative de la protection du patrimoine doit revenir à l’État pour une raison simple : si l’État ne le fait pas, il y a de forts risques que cela ne soit pas fait du tout. Mais parmi mes propositions, il y a aussi la mise en œuvre d’une plate-forme pour développer le mécénat privé, il y a aussi l’idée de développer partout en France des salons d’artistes indépendants pour essayer de sortir de cette « culture d’État » qui fait que, lorsque vous ne faites pas partie des bons réseaux, vous n’avez aucune chance de rencontrer un public. Je suis pour qu’il y ait le plus de respiration, le plus d’énergie, le plus de projets possibles. Mais je ne veux pas non plus que l’État puisse intervenir partout et en toutes circonstances. L’État est là pour donner sa chance à tout le monde et notamment à tous les artistes. Pour que chacun puisse rencontrer un public. Ensuite, c’est à l’artiste de séduire ce public et ce n’est pas à l’État d’imposer au public de vous aimer ou d’apprécier vos œuvres.

Le Puy du Fou fait partie de cette culture française. Vous n’y êtes jamais allée. Qu’est-ce qui vous retient ?

Je rêve d’y aller ! Toute ma famille y est allée, mes enfants y sont allés… C’est une simple question d’emploi du temps. Je vais y remédier le plus vite possible, d’ailleurs. Mon agenda ne m’a pas permis de le faire pour l’instant.

Le Puy du Fou est aussi une superbe réussite économique, avec un rayonnement maintenant international : aimeriez-vous pouvoir dupliquer cette expérience et faire ainsi rayonner la culture française ?

Évidemment ! C’est objectivement une très belle réussite à tous les niveaux. C’est aussi une très belle réussite car cela permet aux Français de replonger au cœur de leur histoire, au cœur de leur culture. Quand j’ai entendu le président de la République répondre à Donald Trump que, pour connaître la France, il faut aller à Disneyland, je suis tombée de ma chaise et je pense que je n’ai pas été la seule. Ça prouve la déconnexion totale qui existe entre cet amour que les Français portent à leur histoire, à leur culture, et dont le succès du Puy du Fou est une démonstration éclatante, et la manière dont nos élites conçoivent cette culture.

Vous avez dit, durant votre meeting, « Je suis intensément française ». C’est cette culture française qui vous transporte ou est-ce que c’est bien plus vaste que ça ?

Je suis intensément française parce que j’espère avoir toutes les qualités et tous les défauts des Français. Je pense que je suis aussi contradictoire que peuvent l’être les Français. Les Français ne sont pas du tout racistes mais ça ne les empêche pas de ne pas vouloir qu’on ouvre grand leurs frontières, n’importe comment, et ils souhaitent que l’on respecte leur culture. Les Français ne sont pas obligatoirement tous croyants mais ils constatent que les racines chrétiennes de la France appartiennent à leur culture et ils veulent qu’on respecte quand même la laïcité. C’est toute une somme de contradictions, la France : ce peuple « toujours léger, quelquefois cruel », selon le mot de Voltaire… Je suis moi-même toutes ces contradictions et, en même temps, cette joie de vivre que les Français sont en train — j’en ai le sentiment — de perdre un peu, alors que nous sommes un peuple joyeux. Il faut que nous retrouvions cette joie et, pour la retrouver, il faut changer une politique qui désespère les Français et ne leur fait plus croire en l’avenir. On ne cesse de leur expliquer qu’ils sont une petite nation faible. Il faut leur rappeler qu’ils sont une grande nation, portée par un grand peuple !

Vous avez dit au journal La Croix que vous étiez chrétienne mais que l’Église devrait se mêler de ses affaires…

L’Église n’a pas à se mêler de politique. On rend à Dieu ce qui est à Dieu et à César ce qui est à César. Je conçois tout à fait que le pape en appelle aux enseignements de l’Église sur la charité individuelle mais il n’a pas, sous prétexte de rappel de cette charité individuelle, à imposer aux États la politique d’immigration qu’ils devraient mener. Les États mènent les politiques d’immigration qui protègent leurs peuples. Et la religion doit s’occuper de religion. D’ailleurs, si elle l’avait fait depuis des années, peut-être que les églises seraient moins vides…

On vous reproche aussi parfois de ne pas avoir envoyé de signaux suffisamment clairs à l’électorat « Manif pour tous ». C’est ce que vous avez essayé de faire en parlant des crèches durant le débat à onze sur BFM TV le mois dernier ?

Je ne lance pas de signaux aux uns et aux autres. Je n’ai pas une vision communautariste de la vie politique. Je parle aux Français et à tous les Français. Qu’ils soient croyants ou non. Il n’en demeure pas moins que nous sommes tous attachés à notre culture, que nous travaillons tous ou que nous aimerions tous travailler, que nous avons eu ou avons tous des enfants à l’école, etc. Donc,, nous avons tous les mêmes préoccupations. Il ne s’agit pas de donner des signaux pour faire plaisir à tel ou tel. J’ai toujours été extrêmement claire sur les positions qui intéressent la Manif pour tous, j’ai dit ce qu’il en était et je n’ai pas changé d’avis, à la différence de certains qui se sont beaucoup agités, qu’on a beaucoup vus et, une fois les manifestations terminées, ont rompu les engagements qu’ils avaient pris. Moi, je ne romps pas mes engagements. Certes, je ne m’agite pas, je ne tape pas dans des cymbales, mais quand je dis quelque chose, en règle générale, je m’y tiens.

On a appris, il y a quelques jours, qu’une candidate voilée avait décidé de briguer un siège de députée en juin prochain, dans la 5e circonscription du 93, sous les couleurs du parti « Français et Musulmans ». Ça vous inquiète ?

Je ne suis pas naïve. Ils cherchent par tous les moyens à avancer, à porter des revendications communautaristes… C’est le cas de la multiplication du voile dans les rues, c’est le cas du burkini sur les plages, c’est le cas de ces candidates qui se présentent voilées aux élections. Tout cela vise à être un peu dans la provocation pour tenter de pousser les lois et l’esprit de la République française. Si nous n’apportons pas une réponse extrêmement claire à ces revendications, elles se démultiplieront jusqu’au point où il n’y aura plus de réponse possible.

En 2011, vous expliquiez que si vous étiez élue, vous reviendriez sur la possibilité, pour les associations « antiracistes », d’ester en justice. Est-ce toujours une de vos préoccupations ?

Un seul exemple : le CCIF (Collectif contre l’islamophobie en France), véritable vecteur de la pensée islamiste en France, m’a poursuivie pour mes propos sur les prières de rue. J’ai été relaxée, tant mieux ! Mais est-il normal de donner à ce type d’associations, sans aucun autre critère que leur nombre d’années d’existence, la possibilité de traîner tout un chacun devant un tribunal ? Évidemment non. Il faut revenir sur ces critères, qui doivent être bien plus sérieux, parce que, aujourd’hui, c’est objectivement devenu du grand n’importe quoi. Et ces poursuites judiciaires sont utilisées comme un moyen de chantage par ces associations qui choisissent ceux qu’elles poursuivent. Le même propos sera poursuivi non pas en fonction de ce qu’il contient mais en fonction de la personne qui le tient. Ce droit qui leur a été donné a été totalement dévoyé et est devenu entre leurs mains une arme politique.

Nous sommes à quelques jours du premier tour : avez-vous un message particulier à adresser aux lecteurs de Boulevard Voltaire ?

Je voudrais leur dire toute l’importance de cette élection présidentielle. Leur dire que, quelles que soient les critiques qu’ils peuvent formuler sur tel ou tel aspect de mon programme, ils ne doivent surtout pas oublier que c’est la France qui est en jeu. Qu’ils n’oublient pas que si nous ne pouvons pas mettre en œuvre le projet qui est le nôtre - un projet à la fois courageux et foncièrement français -, peut-être que dans quelques années, ils ne reconnaîtront plus leur pays, tout simplement. Quand il s’agit de la France, il faut se rassembler, il faut que les Français se rassemblent. Je compte sur eux car il faut que l’on arrive le plus haut possible le soir du premier tour pour mettre en place cette dynamique qui portera, non pas moi, mais les Français à l’Élysée.

Entretien réalisé par Emmanuelle Duverger

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17 avril 2017 à 22:34

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