On attendait un pugilat sanglant entre deux anciens Premiers ministres appartenant à la même famille. Ils se disent l’un et l’autre gaullistes. Ce sont, avant tout, des professionnels de la politique.

Sur la forme, chacun avait mesuré les risques d’un affrontement trop virulent. Non seulement il aurait nui à l’image des deux hommes, mais il aurait une nouvelle fois terni celle de leur mouvement dont la façade vient à peine d’être repeinte.

Sur le fond, les deux candidats qui, hier encore, s’opposaient se sont rapprochés, sans doute un peu trop pour que ce soit honnête. Ce recentrage émollient peut avoir déçu des partisans heureux d’avoir enfin des positions claires et conformes à leurs vœux. Il n’en sera rien. Une fois de plus, la droite va se battre au centre. Une fois de plus, l’économie va être placée en première ligne des propositions. Avec Juppé, on continue la gestion. Avec Fillon, on annonce une révolution, mais la droite française a la mauvaise habitude de faire après l’élection le contraire de ce qu’elle avait annoncé auparavant. Sarkozy avait atteint un sommet en pratiquant une absurde ouverture à gauche après avoir conquis l’Élysée par la droite.

En raison du soutien de Sens commun, Fillon était devenu - divine surprise - le champion des valeurs conservatrices. On le disait fervent laudateur de la famille traditionnelle, opposé au mariage unisexe, et même à l’avortement. Briser ainsi les tabous de la pensée unique eût été suicidaire. François Fillon s’est donc empressé de démentir ces rumeurs en disant à Alain Juppé combien il était d’accord avec lui. Ainsi ne va-t-il rien changer pour l’avortement. Ainsi va-t-il se contenter de réduire la question du mariage à celle de la filiation, en exigeant que tout nouveau-né soit reconnu comme celui d’un homme et d’une femme. Sa réponse sur l’avortement fut la plus vaseuse. Loin de faire valoir les idées qu’il dit posséder à titre personnel, il entend garder le principe d’un droit "essentiel" à l’avortement, qui ne serait pas "fondamental" pour des raisons juridiques. Tartuffe n’était pas loin. On rétablira simplement le caractère universel des allocations familiales et l’avantage fiscal du quotient. On favorisera la liberté de l’enseignement. Ces évolutions seront salutaires mais elles ne constituent pas une révolution idéologique indispensable par rapport à la culture de mort que nous subissons depuis 1968.

Pourtant, François Fillon a affirmé mener une bataille idéologique. C’est vrai surtout sur un point qui est celui qui l’oppose le plus à Juppé et qui souligne que Fillon est gaulliste alors que l’autre ne l’a jamais été. Lorsque Juppé prétend que l’identité française réside dans la diversité, c’est non seulement vide de sens, mais c’est le slogan crétin de la gauche. Le réalisme de Fillon à l’égard de la Russie, qui s’oppose à la continuation de la politique pro-américaine par Juppé, est une seconde supériorité du premier sur le second.

Fillon l’a donc emporté aux points. Il sera, sans doute, le candidat de la droite et du centre. Dans ce cas, le Front national pourrait affronter l’ancien Premier ministre de Sarkozy avec l’espoir de crever le plafond de verre. Mais le débat portera, alors, sur l’économie et sur l’Europe. Une fois de plus, la droite des valeurs, la droite conservatrice sera sur la touche. Il est toujours plus facile de soigner un corps que de préserver une âme.

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26 novembre 2016

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