Il n’a sans doute pas fait carrière jusqu’à la présidence du Conseil constitutionnel par son seul mérite, il agace un peu quand il prend ses airs de père la vertu, prompt à donner des leçons, mais il a une qualité qu’on aimerait trouver plus souvent en politique : la fidélité.
Jean-Louis Debré a de qui tenir : son père, Michou la colère, servit fidèlement la politique algérienne du général de Gaulle alors qu’il était lui-même un ardent partisan de l’Algérie française. Il démissionna de son poste de Premier ministre, en avril 1962, pour exprimer son désaccord, ce qui était une marque de fidélité – tardive – à ses convictions.
Il a une autre qualité, moins connue : il refusa toutes les décorations, hormis l’ordre du Mérite agricole. Pour ne pas côtoyer des récipiendaires dont il estimait qu’ils ne les méritaient pas ? Peut-être partage-t-il le point de vue exprimé par Baudelaire sur la Légion d’honneur : "Si un homme a du mérite, à quoi bon le décorer ? S'il n'en a pas, on peut le décorer, parce que cela lui donnera un lustre."
On n’est donc pas étonné que ce fidèle de Jacques Chirac soit désemparé devant le spectacle, à la fois vaudevillesque et tragique, de cette campagne présidentielle où l’affaire Fillon, comme un mauvais feuilleton, n’en finit pas de rebondir. "En quittant l'élection présidentielle, il aurait évité que son camp se déchire en public", a-t-il déclaré à la presse, avant la manifestation du Trocadéro et la réunion du comité politique des LR.
"C'est justement ce que les Français reprochent aux politiques : ne pas faire ce qu'ils ont promis", dit-il du candidat de droite, qui avait affirmé qu’il ne se présenterait pas s’il était mis en examen – au demeurant, il ne l’est pas encore. Les pieds-noirs et les harkis pourraient rétorquer à ce fervent gaulliste que son idole n’a pas toujours respecté la parole donnée - mais c’est une autre affaire…
Jean-Louis Debré a son explication : « [François Fillon] est resté, sans doute sous la pression de ses courtisans qui se voyaient déjà ministres s'il entrait à l'Élysée." À supposer que ce soit vrai, l’opportunisme n’anime-t-il pas aussi les politiques qui ont quitté son camp parce qu’ils l’estimaient en perdition ? Ou ceux qui vont revenir discrètement le soutenir ?
Ou encore ces centristes de l’UDI qui, après s’être rallié à Fillon en échange de quelques circonscriptions, se posent en moralisateurs, suspendent leur participation à la campagne, cherchent désespérément un leader et brûlent intérieurement de rejoindre Macron ?
À gauche, la fidélité ne fait pas non plus recette, ni la clarté des positions. Comment critiquer le bilan économique et social de François Hollande tout en s’en détachant ? Comment être infidèle sans passer pour un traître ? Les socialistes soutiennent mollement Benoît Hamon, le candidat de la Belle Alliance populaire. Certains ont pris, dès le départ, le train de Macron, d’autres le prennent en marche, d’autres restent dans l’attentisme, soucieux de préserver, dans toutes les hypothèses, leur avenir.
« Et maintenant, que vais-je faire? » se demande Jean-Louis Debré, qui ne se voit guère jouer un rôle dans cette pièce. Pas de réponse encore, mais pas question de s’abstenir ! Il exclut de voter pour Emmanuel Macron, "un produit électoral médiatique, un attrape-tout par défaut". Ce n’est pas comme Dominique de Villepin, qui semble séduit par le jeune premier. Ni comme des proches de Juppé qui, déçus de son renoncement, pourraient bien suivre la même pente.
Jean-Louis Debré a décidé d’entamer une carrière comme chroniqueur à la radio et à la télévision. Loin de la politicaillerie. Ses auditeurs et téléspectateurs peuvent être rassurés : il leur sera fidèle.
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