Faire peur afin d’éviter les soulèvements ?

peur

Il n’est pas question de dire que la crise sanitaire n’existe pas, nous sommes nombreux à avoir des amis qui s'en sont allés ou des proches qui sont atteints ! Mais nos regrets et notre tristesse ne doivent pas nous faire oublier qu’il est une crise de plus grande ampleur : crise civilisationnelle s’il en est !

On ne le redira jamais assez : « tout est symbole ». Il faut avoir la lucidité et le courage de dire, pour employer un vieux mot français, ce que « monstre » ce symbole. Fût-ce dans ses aspects monstrueux. En la matière, et en paraphrasant ce que disaient, en leur temps, nos amis situationnistes, il convient donc d’établir un « véridique rapport » sur le libéral-mondialisme !

Puis-je le faire, tout d’abord, d’une manière anecdotique. Mais en rappelant qu’en son sens étymologique, an-ekdotos, c’est ce qui n’est pas publié, ou ce que l’on ne veut pas rendre public. Mais qui, pour des esprits aigus, n’est pas sans importance ! On peut donc se poser cette question : pourquoi des milliardaires font-ils de la philanthropie ? Car, on le sait, il existe chez eux une étroite liaison entre leur morale et leur compte en banque.

Bill Gates, préoccupé par le « coronavirus », finance (largement) l’OMS. On peut citer aussi les largesses pour Le Monde (selon Mediapart, « le quotidien perçoit aussi des subsides de la fondation Gates : 2,1 millions de dollars en 2019 »). C'est d'ailleurs dans les colonnes de ce journal « de référence » que le magnat en question publie un article pour expliquer ses généreuses préoccupations concernant le Covid-19. Mais ceci n'a sans doute rien à voir avec cela.

Un tel fait est loin d’être isolé. Ceux qui détiennent le pouvoir économique, politique, journalistique sentant, pour reprendre le titre de George Orwell, leur « 1984 » menacé tentent, dans leur novlangue habituel, de faire oublier que leur préoccupation est, tout simplement, le maintien du Nouvel Ordre mondial dont ils sont les protagonistes essentiels. Et pour ce faire, ils surjouent, jusqu’à plus soif, la « panique » d’une pandémie galopante. Pour reprendre un terme de Heidegger (Machenschaft), ils pratiquent la manigance, la manipulation de la peur.

Il y avait, en effet, deux stratégies possibles : celle du confinement a pour objectif la protection de chacun, en évitant le trop-plein de contaminations entraînant une surcharge des services de réanimation accueillant les cas graves. Protection organisée par un État autoritaire et à l’aide de sanctions, une sorte de sécurité sanitaire obligatoire. Stratégie fondée sur les calculs statistiques et probabilistes des épidémiologistes. Selon l’adage moderne, n’est scientifique que ce qui est mesurable. Autre stratégie, médicale celle-ci (la médecine est un savoir empirique, un art, pas une science, en tout cas est fondée sur la clinique [expérience] et pas uniquement sur la mesure) : dépister, traiter, mettre en quarantaine les personnes contaminantes pour protéger les autres. Stratégie altruiste.

Certes, l’impéritie d’un pouvoir technocratique et économiciste a privé, sans doute, la France des instruments nécessaires à cette stratégie médicale (tests, masques), certes, l’organisation centralisée et étatique ne permet pas de telles stratégies essentiellement locales et diversifiées. Mais une telle stratégie traduit aussi la défiance généralisée du pouvoir, politiques et hauts fonctionnaires, envers le « peuple ». Protéger les gens, fût-ce contre leur gré, au mépris des grandes valeurs fondant la socialité : l’accompagnement des mourants ; l’hommage aux morts ; les rassemblements religieux de divers ordres ; l’expression quotidienne de l’amitié, de l’affection. Le confinement est fondé sur la peur de chacun par rapport à chacun et la sortie du confinement va être encadrée par des règles de « distanciation sociale » fondées sur le soupçon et la peur.

Faire peur pour sauver un monde en décadence ! Faire peur afin d’éviter les soulèvements dont on peut dire, sans jouer au prophète, qu’ils ne manquent pas (et, surtout, ne manqueront pas) de se multiplier un peu partout de par le monde. N’oublions pas qu’en France, le confinement a succédé à deux ans de révolte des gilets jaunes suivis par les manifestions contre la technocratique et libérale réforme des retraites. On imagine la haine du « populo » qui anime nos élites ! Mais l’esprit de révolte est dans l’air du temps. Ortega y Gasset, dans La Révolte des masses, parlait, à ce propos, d’un « impératif atmosphérique ». Cet impératif, de nos jours, c’est celui de la révolution, si on la comprend en son sens premier : revolvere, faire revenir ce que l’idéologie progressiste s’était employée à dépasser. Revenir à un « être ensemble » traditionnel et enraciné.

C’est contre un tel impératif - le retour à un ordre des choses bien plus naturel - que les diverses élites s’emploient à attiser la peur, et ce, pour faire perdurer les valeurs sociales qui furent celles des « temps modernes ». Pour le dire succinctement, émergence d’un individualisme épistémologique, et ce, grâce à un rationalisme généralisé au motif d’un progressisme salvateur.

Ce sont, en effet, ces valeurs qui engendrèrent ce que mon regretté ami Jean Baudrillard a appelé la « société de consommation », cause et effet de l’universalisme propre à la philosophie des Lumières (XVIIIe siècle) dont la « mondialisation » est la résultante achevée. Le tout culminant dans une société parfaite, on pourrait dire « trans-humaniste », où le mal, la maladie, la mort et autres « dysfonctionnements » auraient été dépassés.

Voilà bien ce qu’une maladie saisonnière érigée en pandémie mondiale s’emploie à masquer.

Michel Maffesoli
Michel Maffesoli
Sociologue - Professeur émérite à la Sorbonne, membre de l’Institut Universitaire de France

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