État profond : mythe ou réalité ? 

socrate

Entre la défaite de Donald Trump à la dernière élection présidentielle américaine et l’année sanitaire que fut 2020 (Covid-19 oblige !), beaucoup d’observateurs mettent à l’index les agissements permanents de l’État profond. En parallèle, le Président Macron projette, depuis avril 2019, de transformer en profondeur le mode de fonctionnement ainsi que le nom de l’École nationale d’administration, ceci correspondant, en fait, à une antienne proprement libérale : faire baisser le niveau de sélection sur la base du talent et du travail pour davantage promouvoir la diversité et son lot de singularités, le tout permettant la préemption de tous les métiers par les genrés et les racisés. En somme, il y a quelque chose qui se joue derrière ce concept, et ce, du point de vue de la philosophie politique la plus élémentaire.

« L’État n’est que la muselière dont le but est de rendre inoffensive cette bête carnassière, l’homme, et de faire en sorte qu’il ait l’aspect d’un herbivore », d’après Schopenhauer. Une formule très anarchique contre, entre autres, le théoricien classique en la matière qu’est Hegel, à travers ses Principes de la philosophie du droit. En l’occurrence, l’admirateur de Napoléon y formule une définition originale de la « désappropriation de la propriété » : « Je peux aliéner ma propriété, puisqu’elle est la mienne seulement dans la mesure où je place en elle mon vouloir – de telle sorte que j’écarte de moi la chose comme sans maître, ou que je la transfère comme possession au vouloir d’un autre – mais seulement dans la mesure où la chose est par sa nature un élément extérieur. » Dans le même temps, Hegel fait de tout État « le Dieu réel, le terrestre divin ». Voilà, donc, dans quelle mesure le pouvoir légitime, démocratique ou pas, serait appelé à devenir l’art de l’expropriation à l’endroit du peuple, autrement dit la capacité de faire accepter l’inacceptable, tant en matière de sécurité qu’en matière de contrôle des revenus et des informations personnelles.

In fine, il n’est pas étonnant que le 45e président des États-Unis d’Amérique, qui a tant fustigé sa haute administration comme les médias de masse et leurs nombreux alliés, ait été intégralement censuré par les titans de la Silicon Valley. Par ailleurs, on peut percevoir le poids considérable des lobbies financiers et industriels dans les pays dits « libres », notamment l’Open Society Foundations de George Soros (la « société ouverte » avait été pensée par le philosophe des sciences Karl Popper) et le groupe Bilderberg (cofondé par l’homme d’affaires américain David Rockefeller). En définitive, nous devrions savoir, par la grâce d’un cartésianisme culturel, que le doute constitue la voie méthodique vers la vérité.

Dans cette perspective, le « cercle de la raison », ou l’Empire du Bien, mérite une déconstruction, précisément contre ses fondateurs prompts à déconstruire les origines profondes de l’humanité, au nom de la volonté obsessionnelle de sublimer cette dernière. La conséquence d’une telle opération serait la création d’un État technico-financier transnational, une foisonnante oligarchie qu’on appellerait « gouvernement mondial ». Autrefois, un personnage quelque peu iconoclaste, pour son temps, avait dénoncé l’oligarchie athénienne qui se drapait dans sa morale démocratique. Il s’appelait Socrate, et fut condamné à mort. Alors, attention à la philosophie...

Henri Feng
Henri Feng
Docteur en histoire de la philosophie

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