La mort de Jacques Chirac est intervenue au moment où l'avatar du parti et de l'alliance RPR-UDF qu'il fonda a été réduit à… 8 %. C'est aussi cela, l'héritage Chirac : la droite est ailleurs, les derniers gaullistes ou chiraquiens authentiques sont, par différentes vagues, partis soit au Rassemblement national, soit dans cette droite hors les murs qui se cherche. Hasard du calendrier, ce week-end d'hommages à Jacques Chirac fut aussi celui de la Convention de cette droite. Un succès, à en croire autant les participants que les cris que poussent les petits et grands dignitaires de LREM.

Mais justement, il y a bien un Jacques Chirac qui manque à cette droite sans tête qui se cherche, et ce n'est bien sûr pas celui du consensus mou de 2002 et de l'inaction qui suivit : c'est le Chirac de l'énergie, du clivage, du hussard. Et, curieusement, parmi tous les candidats que Boulevard Voltaire a proposés dans son sondage, celui qui s'en rapproche le plus, c'est incontestablement Éric Zemmour, qui le suivit de près durant ses campagnes et lui consacra un ouvrage pénétrant. Il est donné à 7 % dans ce sondage. 7 % ? Jacques Chirac était à cet étiage en septembre 94.

Éric Zemmour n'a, bien sûr, ni la taille ni l'estomac de Chirac, et il le sait. Mais ce n'est peut-être plus ce que les Français attendent non plus. Plus embêtant, il n'a pas non plus un parti dévoué à sa cause. En revanche, il a une vitalité, un mordant et une énergie qui ne peuvent que séduire ceux qui aimèrent le profil tranchant de Chirac. Il est, comme lui mais différemment, profondément enraciné. Avoir les qualités de Chirac, sans les défauts ni le superflu : c'est déjà considérable ! Il est, mieux que lui et que beaucoup d'autres, issu d'un milieu vraiment populaire. Il est un extraordinaire débatteur. Il a une connaissance intime de l'Histoire de France et de la vie politique et médiatique contemporaine, il est l'auteur d'ouvrages forts dont les derniers ont touché un immense lectorat et, bien sûr, il possède une colonne vertébrale idéologique. Et un courage incontestable.

Enfin, bien mieux que Chirac et que certains des prétendants actuels, il manie une dialectique redoutable sur la situation de la France confrontée aux défis de l'immigration et de l'islamisation. Une tout autre façon d'aborder ces problèmes que la manière Macron de ces derniers jours :

« En France, comme dans toute l'Europe, tous nos problèmes sont aggravés par l'immigration, école, logement, chômage, déficits sociaux, ordre public, prisons [...] et tous nos problèmes aggravés par l'immigration sont aggravés par l'islam. C'est la double peine. »

Cela parle concrètement à beaucoup de Français et cela se tient, intellectuellement ; et l'on peut compter sur Éric Zemmour pour apporter les chiffres, les preuves et démonter les arguties que ses adversaires pourraient lui opposer.

La Macronie ne s'y est pas trompée, elle a flairé le danger et n'a pas ouvert le tiroir de l'argumentation mais fait résonner la grosse caisse des heures les plus sombres. Tout un aveu. Un député LREM a écrit, sur Twitter : « C'est moi ou je crois qu'il est dangereux ? L'histoire ne se répète pas, elle bégaie. L'impression d'être en 1934. Zemmour, le hoquet des heures sombres. » Même le Premier ministre a retrouvé les éléments de langage sur « les discours nauséabonds ». Éric Zemmour a fait mouche et, c'est vrai, il est « dangereux ». Mais pour Emmanuel Macron.

Emmanuel Macron a peut-être trouvé, en ce samedi 28 septembre 2019, son adversaire pour le débat de 2022, mais l'adversaire dont il ne veut surtout pas. Et la droite, le Chirac qui lui manque tant.

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30 septembre 2019 à 9:18

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