Mevlüt Çavuşoğlu, ministre des Affaires étrangères de la Turquie de son état, tenait tribune à Metz, dimanche 12 mars. Il a pu vanter les mérites de la réforme constitutionnelle pensée par le néo-sultan Recep Tayyip Erdoğan. Organisée depuis longtemps, la réunion aurait dû, de toute évidence, être annulée. Depuis plusieurs années, la Turquie de l’AKP multiplie les provocations, appelant ses compatriotes « Turcs d’Europe » à siéger dans nos assemblées représentatives pour défendre les intérêts de leur patrie d’origine.

Déjà, en octobre 2015, Recep Tayyip Erdoğan faisait la démonstration de sa force à Strasbourg, au cours d’un rassemblement impressionnant devant 12.000 personnes réunies dans un Zénith de l’Europe bondé pour l’occasion. Les Européens ont été très naïfs vis-à-vis de la Turquie. Méconnaissant l’Histoire, ils ont cru que la Turquie était simplement désireuse de se fondre dans l’Union européenne pour bénéficier de sa manne financière, y voyant des similitudes avec les précédents espagnols, portugais ou grecs. C’était oublier que la Turquie est une nation nourrissant un seul, et unique, objectif : ressusciter le grand Empire ottoman et reprendre sa place au sein du bassin méditerranéen.

Recep Tayyip Erdoğan est solidement ancré au pouvoir. Rien ne l’affecte : pas plus les manifestations des citadins de la place Taksim à Istanbul en 2013 que le putsch avorté de l’an passé, dont on pourrait se demander s’il ne l’avait pas fomenté lui-même pour accentuer sa mainmise. Sûr de son fait et fier de lui, le pouvoir turc sait qu’il peut menacer ses voisins occidentaux grâce à ses millions d’expatriés et sa position géographique centrale qui en fait un carrefour des échanges migratoires comme commerciaux.

Pourtant, il semblerait que certains pays d’Europe aient pris la mesure du danger. Ainsi, l’Allemagne, la Suisse, la Suède ou l’Autriche ont annulé des meetings de l’AKP. Climax de cette mini-crise diplomatique, les Pays-Bas ont empêché le susmentionné ministre turc des Affaires étrangères d’atterrir à Rotterdam. Les réactions turques furent, comme à l’accoutumée, aussi outrancières que grossières, témoignant d’un pouvoir fébrile tenté par l’autoritarisme. Accusant les Néerlandais d’être des « fascistes » et des « racistes islamophobes » influencés par les « vestiges du nazisme », l’homme fort du Bosphore a indiqué que les Pays-Bas paieraient « le prix » de leur attitude.

Au mépris de la solidarité européenne, le gouvernement français a donc décidé de laisser la réunion se dérouler comme si de rien n’était. Nos alliés hollandais ont été humiliés par Jean-Marc Ayrault qui a déclaré - véritable dhimmi - que "[…] en l’absence de menace avérée à l’ordre public, il n’y avait pas de raison d’interdire cette réunion qui, au demeurant, ne présentait aucune possibilité d’ingérence dans la vie politique française".

Il n’a donc fallu que quelques années pour que la France devienne une nation de seconde zone dans le concert du monde. Entendons-nous les supplications inquiètes des Européens à l’Est, constamment sous la pression militaire, médiatique et diplomatique d’Istanbul ? Mesurons-nous l’influence grandissante de l’AKP en Bosnie-Herzégovine, où elle cherche, par tous moyens, à réislamiser la population ? Nous perdons ce qui a fait de la France une nation écoutée, respectée et dominatrice. Nos dirigeants sont des nains.

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13 mars 2017

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