Égalité homme-femme, diversité et inclusion : autant d’idéologies converties en pratiques managériales relevant de la discrimination positive et venues tout droit des États-Unis et qui, depuis une vingtaine d’années, ont investi le monde de l’entreprise française.

Il y a quarante ans, déjà, les Civil Rights Acts naissait aux États-Unis, en réaction aux discriminations raciales ou religieuses. Phénomènes typiques d’une société multiculturelle et multiethnique, la discrimination positive qui est née dans la foulée et, plus largement, la question raciale ou religieuse n’avaient pas lieu d’être au cœur de la vieille Europe : le substrat judéo-chrétien aux origines des nations qui composent l’Europe établissait un lien, immatériel mais multiséculaire, entre les différentes identités nationales.

Mais la puissance de l’hégémonie culturelle américaine couplée à une immigration de masse a importé ces clivages sur le sol européen, et particulièrement dans la société civile française. Ainsi, depuis une vingtaine d’années, est apparu dans l’entreprise le principe de diversité, considéré rapidement comme un impératif catégorique de nature éthique. Pratiquer une politique volontariste d’inclusion des femmes, des vieux, des handicapés et, plus récemment, des LGBTQ+ est un gage de visibilité, de croissance et de développement.

Et les salariés ont tôt fait de s’ériger en juges et procureurs de l’entreprise qui les emploie : la tendance à la victimisation, à la judiciarisation des rapports sociaux n’y est évidemment pas pour rien.

On ne compte plus les questionnaires et sondages qui émanent des différentes DRH des grandes entreprises à l’attention de leurs salariés, traquant le moindre écart de langage, raciste, sexiste, discriminant, offensant…

Ainsi, le bon manager n’est plus celui dont le charisme, l’esprit d’initiative et de décision emmènent ses subalternes vers la réalisation d’objectifs, mais celui qui sera le plus consensuel, et donc le plus lisse, le plus neutre, le plus ectoplasmique. Le consensus large et inclusif au détriment de la prise de décision. Dans les grandes entreprises, ne pas se plier au nouveau modèle entraînera, au mieux, un ralentissement de carrière, une placardisation. Au pire, une exclusion du système.

Ce mouvement diversitaire « a été porté par de grands patrons comme Claude Bébéar, fondateur d'Axa, qui a notamment contribué à lancer la Charte de la diversité. Il y a eu beaucoup de résistance du patronat au début. Mais la loi a rendu obligatoire la mise en place d'actions », relate Laure Bereni, sociologue au CNRS dans les colonnes du magazine Capital.

Alors que, dans les années 80, la fabrique d’un homme nouveau déraciné, inculte et réduit à sa seule dimension de consommateur citoyen du monde était déléguée à l’Éducation nationale, le progressisme s’est ensuite attaqué au monde de l'entreprise, à travers une communication « éthique et responsable » déployée à l’attention des salariés comme des consommateurs extérieurs : il s’agit, ni plus ni moins, « de stimuler le changement social, c’est-à-dire permettre de contribuer à changer les comportements pour le bénéfice de l’entreprise, mais aussi de la société dans son ensemble. En interne, la communication éthique et responsable incite les salariés à adopter de nouveaux comportements », dit Constant Calvo, fondateur d’Adhere-RH, dans une tribune parue en 2018 dans Les Échos.

Cette communication s’appuie sur des chartes et des réseaux créés dans les grandes entreprises. Réseaux de femmes comme Women in Networking> (Engie), Énergies de Femmes (EDF), SNCF au féminin, Innov'Elles (Orange)… mais aussi réseaux internes LGBT, comme Mobilisnoo, chez Orange, ou la Casino Pride, chez Casino. À l’initiative d’Accenture et de l'association l'autre cercle, la Charte LGBT a été signée par plus de 110 entités (Alcatel Lucent, EDF, Airbus, Casino, BNP Paribas, Randstad, BCG, Orange, L'Oréal, Pfizer, etc.).

Cela fait donc une vingtaine d’années que, sans coup férir, des problématiques éminemment politiques et sociétales ont investi le champ économique, ce qui fait dire à Arnaud Hatchuel, cité dans Le Figaro, que « l’État, la société civile et les entreprises dessinent en commun l’avenir ». Celui d’un salarié non pas instruit mais rééduqué par l’école et donc l’État, qui subit la pression d’une nouvelle morale civile étrangère à son identité propre et qui travaille et donc gagne sa vie dans des entreprises qui tendent à s’uniformiser par l’adoption de standards internationaux valables à New Delhi comme à Paris.

À titre d’exemple, aujourd’hui, la mise en œuvre des « objectifs de développement durable » édictés par l’ONU engagent aussi bien les institutions que les acteurs économiques, dans le monde entier. Ces ODD « sont conçus pour être universels en ce qu’ils visent à apporter une vision globale et commune de progrès, tournée vers un futur sûr, juste et durable pour tous », explique Claire Donse, avocat au cabinet Pro Bono.

Aujourd’hui, la crise sanitaire semble jouer le rôle d’accélérateur de cette révolution plus politique qu’économique.

À quand, le réveil des peuples ?

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03 février 2021 à 19:45

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