Une enfant de onze ans peut-elle être « consentante » ?

L’affaire, dont nous parle la presse, d’un homme jugé après une relation sexuelle avec une enfant de 11 ans n’a rien d’anecdotique. Elle révèle la gravité d’un mal social profond. D’autant plus que l’homme ne sera pas jugé pour viol mais pour atteinte sexuelle sur mineur.

Le paradigme de la société moderne est le contractualisme libéral (Thibaud Collin). Il imprègne à ce point nos mentalités que tout individu considère que sa liberté d'agir n’est limitée que par l’assentiment de l’autre. Ainsi, si l’autre est consentant, rien ne l’empêche d’entretenir avec lui une relation sexuelle. On pourrait ainsi justifier qu’un enfant doué d’une particulière précocité de raisonnement couche avec un adulte. L’absurdité d’un tel propos saute aux yeux. Mais il ne s’agit pas de dire, avec ses tripes, qu’on ne couche pas avec un enfant pour avoir raison. Encore faut-il se demander pourquoi.

Les jeunes filles, surtout dans certains milieux, encourent parfois le reproche d’être aguicheuses, ce qui expliquerait l’appétence de certains hommes pour ces adolescentes. Il est vrai que, lorsque nos sœurs étaient pubères à 14 ans, nos filles le sont à 12 ans, et nos petites filles le seront peut-être à 10 ans. Mais ces considérations purement biologiques ne prennent pas en considération l’aspect extrêmement complexe d’une relation sexuelle, que le libertarisme post-soixante-huitard a occulté au profit d’une conception bestiale de la sexualité. Or, la chose est infiniment plus nuancée. Tout adulte équilibré sait ce que l’acte sexuel révèle de la personne, tout ce qu’il contient et implique, et combien la vision cinématographique d’une pure jouissance systématique est inexacte. Ce sont justement les déséquilibrés qui ne voient qu’un corps, et en concluent logiquement que la puberté permet tout, tout de suite et sans limites.

Mais si cette concupiscence malsaine a toujours existé, comme en témoignent les œuvres de Zola dont l’obsession pour les rondeurs bourgeonnantes des fillettes laisse un sentiment de malaise, elle n’en reste pas moins une névrose. Parce qu’une fille de 11 ans, même formée, n’est pas et ne doit pas être un objet de désir sexuel. Elle est infiniment plus que cela. Elle reste, dans son être profond, un enfant. Sa maturité physique se différencie de sa maturité psychologique. Elle est incapable de faire l’amour, au sens noble du terme. Et donc incapable de consentir, librement, et pleinement, à un acte qui la dépasse de beaucoup.

C’est la limite de ce consensualisme érigé au rang de principe des relations sociales. Il est impossible de soutenir qu’il n’y a pas viol au motif que l’enfant était consentante, quelle que soit la discussion sur l’expression et les circonstances de ce consentement. Et les associations de défense de l’enfance ont raison lorsqu’elles rappellent que la loi est trop imprécise. La majorité sexuelle est fixée à 15 ans. En dessous de cet âge, un acte non qualifiable de viol est une atteinte sexuelle, incrimination spécialement floue qui exclut toute notion d’agression. Nos voisins britanniques, eux, ont institué une présomption irréfragable de viol pour toute relation sexuelle avec un mineur de 15 ans. C’est le bon sens même.

Reste que nos juges sont fidèles à leur idéologie. À Pontoise, l’individu ne sera pas jugé pour viol, en raison du « consentement » de l’enfant, une fillette de banlieue sans doute dépourvue de repères et d’éducation. Dans la droite ligne de France Inter qui, dans un tweet ignoble du 26 septembre, questionnait : "Un rapport sexuel avec un enfant doit-il être automatiquement considéré comme un viol ?" À vomir.

Pour ne rien rater

Les plus lus du jour

L'intervention média

Les plus lus de la semaine

Les plus lus du mois