Emmanuel Macron : un problème de personnalité

MACRON

Le 14 avril, dans le Journal du dimanche, a été publié un portrait éblouissant du président de la République par Michel Schneider. D'une finesse totale, avec une empathie critique poussant loin l'analyse des ressorts profonds d'une personnalité exceptionnelle, il passait l'ensemble de ses propos, de ses postures, de ses attitudes, de ses provocations et de ses actions au crible du désir permanent d'être remarqué et de l'obsession d'être aimé à tout prix. De son comportement, pour le meilleur comme pour le pire, surgissaient des appels au secours incompris, des messages mal perçus et des audaces jugées méprisantes. Son être était demande, attente, espérance, séduction, frustration à combler, sa personne retombant à chaque fois sur la désillusion du réel et de l'hostilité, voire de la haine qu'elle suscitait.

Michel Schneider concluait son beau texte par ce conseil : un chef d'État digne de ce nom ne doit surtout pas vouloir être aimé. Si Emmanuel Macron était persuadé de la validité de ce précepte, il n'aurait pas de souci à se faire, tant il me semble comblé pour cette part de désaffection.

Je la constate chaque jour. Dans « Les Vraies Voix », sur Sud Radio, dont il est revenu à mes oreilles que le nombre de ses auditeurs avait beaucoup progressé, ceux qui téléphonent sont, en très grande majorité, animés par un soutien quasiment sans faille aux gilets jaunes et par une détestation viscérale du président de la République, celle-ci l'emportant d'ailleurs sur celui-là.

Ce constat n'aurait pas été de nature à me suggérer un billet si je n'avais pas remarqué le caractère très singulier de la configuration d'aujourd'hui. Comme si, avant qu'on puisse se poser la question de l'adhésion ou non à la politique initiée par Emmanuel Macron et aux annonces qu'il nous confirmera sans doute le 25 avril, nous n'avions pas à régler le problème de sa personnalité et de son identité. Je suis frappé de relever comme, chez un certain nombre de citoyens, il constitue, lui, un blocage, un barrage, une interdiction pour aller plus loin, pour avoir le droit d'apprécier ou non ce qu'il a accompli depuis 2017 et ce qu'il aspire encore à mettre en œuvre.

On pouvait détester Nicolas Sarkozy, dont l'élégance n'était pas le fort, mais cette conscience n'empêchait pas de valider son projet ou, éventuellement, d'attacher du prix à son action, qu'on l'ait soutenue d'emblée ou qu'on se soit senti obligé de la valider. Son être n'était pas un obstacle irrésistible pour appréhender sa politique.

Pour le Président Macron - c'est ce qui m'inquiète -, nous nous trouvons dans un registre passionnel où il apaisera d'autant moins son obsession d'être aimé que, contre elle, se développe sur un mode frénétique et compulsif la hantise, l'obligation de le haïr, lui. Pas chez tous mais chez beaucoup.

Je ne crois pas qu'il s'agisse de lui faire payer cette fringale d'affection, si rare chez une personnalité publique, mais plutôt de le renvoyer loin, très loin du commun des citoyens précisément pour ce qu'il a d'étrange, de différent, de supérieur à proportion de sa volonté ostensible de banalisation, de raffiné autant qu'il cherche à apparaître simple et de bonne compagnie.

Sa conférence de presse du 25 avril, même s'il ne raffole pas de cet exercice, sera sans doute techniquement réussie mais je ne me fais pas d'illusion. Au-delà de la politique, il demeurera l'objet de toutes les attentions, la cible d'une infinité de ressentiments.

Parce qu'il est le président de la République et que sa personnalité est celle d'Emmanuel Macron.

Je n'ai jamais surestimé ma compétence et ma lucidité civiques parce que mon immaturité sur ce plan me conduisait presque exclusivement à être passionné par la psychologie des gens de pouvoir, de laquelle, en effet, on peut tirer beaucoup d'enseignements. Mais j'avais conscience de m'y abandonner parce que je manquais d'éléments de fond et que les ressorts intimes, les rapports de force me fascinaient au-delà de tout.

D'où mon bonheur face à Emmanuel Macron, un Président, qui cherche l'amour.

Avec lui et dans la relation démocratique, la psychologie est centrale et la clé de tout. Je trouverais injuste, pour une fois, qu'elle fasse oublier, négliger, dénigrer par principe ce que son quinquennat va encore lui permettre d'accomplir.

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Philippe Bilger
Magistrat honoraire - Magistrat honoraire et président de l'Institut de la parole

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