Empêtré depuis trois ans dans une guerre civile interminable et en quête de légitimité, le régime syrien, dictature héréditaire depuis 1970, organisait le 3 juin des élections présidentielles.

Le pouvoir en Syrie est tenu par la communauté alaouite (secte issue de l'islam chiite) très minoritaire, mais plus encore par un clan familial dont est issu Bachar el-Assad, le parti unique Baas (nationaliste et socialiste arabe) servant de colonne vertébrale à ce régime totalitaire. Après s'être présenté au monde occidental comme l'unique rempart contre une future Syrie islamiste, il tente actuellement de démontrer sa légitimité démocratique.

Or, l'élection se déroulait uniquement dans les régions tenues par le régime et loin des zones de combats, soit environ le tiers du territoire. Les rebelles appelaient tous au boycott du scrutin, et pour cause : la loi électorale, concoctée pour l'occasion, excluait de facto toute candidature dissidente. Mais pour faire bonne figure, deux candidats totalement inconnus ont été autorisés afin de servir de faire-valoir à M. Assad.

La campagne présidentielle a été menée façon "dictature arabe" : culte de la personnalité ; affiches de Bachar sur lesquelles on le voit tantôt en uniforme de colonel qu'il n'a pourtant jamais été, tantôt en tenue décontractée avec des lunettes de soleil ou les sourcils froncés en tenue camouflée des commandos bardée de décorations… ; chants à la gloire du "chef" en continu sur les ondes radio et les chaînes de télévision. Quant aux deux idiots utiles d'en face : deux à trois affiches noyées sous celles du "sauveur de la Syrie" et c'est tout.

Ce scrutin est une avancée pour sortir de la crise, nous assure-t-on au ministère des Affaires étrangères : ne s'agit-il pas de la première élection en Syrie depuis un demi-siècle ? Bachar et son père Hafez avaient en effet été désignés par le parti.

Bien évidemment, le résultat du scrutin sera sans surprise, Bachar el-Assad sera élu avec une majorité confortable (95 à 99 % des voix), si bien qu'on se demande d'où sortent ses rebelles ? Et c'est là qu'on nous expliquera qu'il s'agit d'une poignée de terroristes. Si le mot "poignée" est exagéré, celui de "terroriste" n'est pas infondé... Malheureusement, le régime des Assad ne l'est pas moins : il a même réussi à donner toute sa noblesse à cet adjectif — infondé — en affinant ses méthodes au fil des années. Localement, par des arrestations arbitraires et la torture techniquement très poussée, et à l'international, en assassinant des personnalités gênantes (notre ambassadeur et nos soldats au Liban, entre autres), massacrant des populations, soutenant tous les groupes terroristes en Occident, islamistes, d'ailleurs (tant qu'ils ne sont pas chez lui, il n'est pas contre).

Les Syriens, comme tous les peuples musulmans, ont ainsi le choix entre un régime de type islamiste ou un régime de type nationaliste-mafieux. Car, doit-on le rappeler, les élections dans les pays musulmans (arabes ou pas) ne sont pas une garantie de liberté. Soit les élections ne sont qu'une plaisanterie de mauvais goût servant à légitimer un dictateur en place, soit elles sont libres et, dans ce cas, elles installent systématiquement des régimes islamistes qui se dépêchent de réduire les libertés et d'éradiquer toute opposition. Bref, pas de quoi être optimiste...

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5 juin 2014

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