Un titre de presse, c'est comme un prénom : on ne le choisit pas et on le traîne même parfois comme un boulet : Charles-Édouard, Josette, Jennifer… trop connoté, trop bourgeois, trop désuet, trop plouc… il ne correspond pas à l’image que l’on s’est forgée. Disons-le tout de go, Voltaire n’est pas toujours facile à assumer pour un média de droite conservatrice. Pourquoi ne pas l’avoir plutôt appelé Avenue Jeanne-d’Arc ou Rue Saint-Louis ? nous suggère-t-on régulièrement au courrier des lecteurs. 

« Ne dites pas à mon père que je travaille pour Boulevard Voltaire, il me croit pianiste dans un bordel » : quant à moi, issue d’une famille catholique on ne peut plus traditionnelle, j’aurais (presque) pu faire mienne cette phrase librement inspirée de Jacques Séguéla lorsque je suis rentrée à la rédaction de BV. 

Et pourtant, tout arrive ! À la suite de Causeur, nous signons aujourd’hui des deux mains une pétition pour Voltaire. Car le nom du boulevard en ligne sur lequel vous lisez vos infos quotidiennes n’a en réalité pas été choisi par hasard : c’est à cause de sa célèbre phrase - que d’aucuns disent apocryphe, mais peu importe ! - « Je ne suis pas d’accord avec ce que vous dites, mais je me battrai jusqu’à la mort pour que vous puissiez le dire » que Dominique Jamet et Robert Ménard ont choisi de placer leur média naissant - devenu grand - sous le patronage du philosophe des Lumières. Et que ce symbole de la liberté d’expression soit aujourd’hui la cible de la cancel culture est à la fois très inquiétant et emblématique. 

Rappelons les faits : en 2020, sa statue - une œuvre de Drivier, copie du bronze de Caillé, fondu en 1942 - qui trônait square Honoré-Champion à Paris a été aspergée de peinture, taguée des inscriptions « NTM » (nique ta mère) et « Fuck », avant d'être finalement retirée par la mairie de Paris pour être nettoyée. Sauf qu’elle n’a jamais été replacée : au prétexte que la pierre ne pourrait plus supporter de telles agressions, il a été décidé de la reléguer dans la cour fermée - derrière des grilles - de la Faculté de Médecine. 

En juillet dernier, sur LCI puis dans Le Figaro, Hélène Carrère d’Encausse s’est emportée, dénonçant « cette politique systématique de dégommer les statues » et de juger « un homme du XVIIIe siècle […] avec des yeux d'aujourd’hui » : on lui reproche de ne pas être « assez inclusif », mais « ça n’a aucun sens ! Personne n’était tiers-mondiste, à l’époque », a ironisé l'académicienne. Quant à le mettre dans la Faculté de Médecine... parfaitement incongru ! « Voltaire n’a aucun lien avec la médecine, il était membre de l’Académie française et son sculpteur, membre de l’Académie des beaux-arts. »  

Une association « Le retour de Voltaire », montée par René Monié - un Parisien marié avec une Américaine qui ne sait que trop à quoi mène le wokisme -, a lancé une pétition réclamant le retour de cette statue. Un « budget participatif » est également prévu pour mettre un terme aux objections de la mairie de Paris quant à la fragilité de l’œuvre. L’idée est simple : puisque la statue en pierre est la copie, érigée en 1960, d’un bronze fondu en 1942, pourquoi ne pas suivre le chemin inverse et mouler la pierre pour fondre une statue plus solide en bronze, comme l’était l’original, qui ne craindrait plus rien à sa place initiale ? Un devis tout à fait raisonnable a été fait et il suffirait que 2.000 personnes donnent 20 € - rien à voir avec certaines gabegies de l’art contemporain - pour que le projet prenne forme. 

Sur Boulevard Voltaire, nous sommes profondément épris de liberté d'expression. On peut, pour mille raisons, ne pas aimer (beaucoup) Voltaire et cependant se battre pour qu’il ne soit pas effacé de notre culture. Pour signer, c’est ici. 

Socle vide - ©RenéMonié
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09 février 2023 à 22:20

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