En exhibant récemment ses nouvelles centrifugeuses nucléaires sur le site de Natanz, l’Iran réalisait un coup d’éclat ; mais à coup d’éclat, coup d’éclat et demi, Israël neutralisant ces dernières, le 11 avril. Tel qu’il se doit, Tel Aviv ne revendique pas cet acte de piraterie internationale, mais il s’agit d’un secret de polichinelle, tel que confirmé par le New York Times, deux jours plus tard.

Donald Trump avait déchiré l’accord sur le nucléaire civil iranien, tout en refusant de mener la guerre contre Téhéran, à la grande fureur des Israéliens et des faucons de la Maison-Blanche ; ce qui est à mettre à son crédit. Joe Biden tente désormais de remettre l’accord en question sur le tapis. Au vu des récents événements, on lui souhaite bien du plaisir.

Dans la foulée, l’Europe se retrouve une nouvelle fois hors jeu, et ce, pour deux raisons.

La première, c’est que le 12 avril, les instances européennes décident de sanctionner huit responsables iraniens pour avoir réprimé les manifestations de novembre 2019. Ce qui fait illico dire à Sergueï Lavrov, chef de la diplomatie russe, cité le lendemain par le quotidien libanais L’Orient-Le Jour : « Si cette décision a été prise de manière volontaire en pleine négociation à Vienne, sur l’accord relatif au nucléaire iranien, alors ce n’est plus malheureux, c’est une erreur qui serait pire qu’un crime. »

La seconde tient à la pusillanimité de Bruxelles vis-à-vis des USA, cruellement relevée par l’Iranien Jarad Zarif, ministre des Affaires étrangères : « L’Europe, par son incapacité à honorer ses engagements aux termes de l’accord de Vienne et en pliant sous la pression américaine, a montré que son utilité sur la scène internationale était en train de disparaître. » Et le même de « dénier aux “vingt-sept” toute forme de supériorité morale ».

Résultat ? L’Union européenne, naguère premier partenaire commercial de l’Iran, a laissé la Chine lui prendre cette place. D’où l’accord signé, pour une durée d’un quart de siècle, entre Téhéran et Pékin, le 27 mars dernier. Dans la corbeille de mariage ? Quatre cents milliards d’investissements chinois en Iran et un accès prioritaire des uns aux gigantesques réserves gazières et pétrolières des autres ; soit de quoi assurer durablement ses approvisionnements énergétiques. Ce, sans compter des transferts de hautes technologies dans lesquelles Pékin a déjà supplanté Washington, ne serait-ce qu’en matière de 5G, et une nouvelle consolidation de la nouvelle route de la soie mise en route par l’empire du Milieu depuis des années déjà.

Pour les USA, c’est encore un camouflet ; pour Israël, une cruelle déconvenue. Mais il est vrai que les premiers, aveuglés par leur paranoïa antirusse, ont, tout comme les Européens, trop de fois claqué la porte sur les doigts de Vladimir Poutine, réussissant ainsi l’exploit de réunir contre eux ces ennemis héréditaires que furent longtemps Chine et Russie. Quant au second, s’il tire un peu mieux son épingle du jeu, cela ne l’empêche pas de continuer d’être aveuglé par sa haine de l’Iran, oubliant que Téhéran était jadis un de ses indéfectibles alliés, au même titre que la Turquie.

Cela, le défunt Gérard de Villiers, père de SAS et l’un des auteurs de chevet d’Hubert Védrine, n’a cessé de le rappeler, ne serait-ce qu’à l’occasion de cet entretien accordé à la revue Réfléchir & Agir, à l’été 2013 : « Les Iraniens sont des gens qui n’ont guère pratiqué vraiment le terrorisme, sauf dans un cas ou deux, pour se venger. Je pense que l’Iran est l’allié naturel d’Israël, puisque les véritables ennemis d’Israël sont les sunnites, salafistes, djihadistes. L’Iran n’a jamais eu l’envie de détruire Israël. »

Pourtant, c’est avec l’Arabie saoudite, premier sponsor de ces « sunnites, salafistes et djihadistes », que Tel Aviv préfère aujourd’hui s’allier. L’Europe n’a certes plus de politique digne de ce nom. Mais Israël serait peut-être bien inspiré d’en changer. Seulement voilà, Benyamin Netanyahou n’est pas Yithzak Rabin, autrement, cela se saurait…

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14 avril 2021 à 16:20

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