La faute – on peut même dire le crime – dont une chambre du Sofitel de New York fut le théâtre luxueux et sordide, il y a plus de deux ans, était lourde. Le coupable l’a payée au prix fort. Même si la législation des États-Unis a permis à Dominique Strauss-Kahn d’échapper au procès, moyennant finances, voilà un homme dont la vie professionnelle, la vie politique et la vie personnelle ont fait naufrage au milieu des éclaboussures d’un scandale planétaire. Dans l’affaire, « DSK » a perdu son poste – la direction du FMI –, brisé son destin national – rien de moins que la présidence de la République française –, vu le couple qu’il formait avec Anne Sinclair voler en éclats. Mis au ban de son parti, de la politique, de la bonne société, tricard et marqué d’une flétrissure indélébile comme les forçats autrefois au fer rouge, le châtiment n’est-il pas suffisant ?
Les magistrats instructeurs de « l’affaire du Carlton de Lille » en ont décidé autrement. En dépit d’un réquisitoire du parquet qui concluait au non-lieu, Dominique Strauss-Kahn devra répondre l’an prochain devant le tribunal correctionnel du délit de « proxénétisme aggravé en réunion », pour lequel il encourt, théoriquement, jusqu’à dix ans de prison. Il arrive que des cas d’acharnement thérapeutique suscitent le trouble et le débat. Nous sommes ici confrontés à un exemple, extrême, d’acharnement judiciaire.
« Proxénétisme aggravé », qu’est-ce à dire ? Dominique Strauss-Kahn aurait-il tiré, outre des satisfactions d’ordre psychologique et sexuel qui ne regardent que lui, le moindre profit financier de ces rencontres ? Aurait-il recruté et entraîné dans la débauche de naïves jeunes filles abusées par des paroles captieuses, un profil rassurant, puis mises sur le trottoir par ses soins sans même l’excuse de contribuer au remboursement de notre dette publique ? L’instruction a déterminé que les partenaires de l’ancien ministre et de ses coéquipiers d’un soir étaient des professionnelles, majeures, averties, consentantes, vaccinées (on l’espère) et rémunérées. « En réunion » ? Ce genre de parties fines déborde en règle générale le cadre étroit du tête à tête.
Maintenant, Dominique Strauss-Kahn pouvait-il ignorer à qui il avait affaire et sous quelles conditions ? On a peine à croire que l’ancien ministre des Finances ait été à ce point jobard. S’il savait et payait, c’était simplement un client comme un autre. Dans l’une comme dans l’autre hypothèse, le seul jugement que l’on puisse porter sur ses faits et gestes est d’ordre moral, ou esthétique. On ne s’en privera pas. Mais en quoi diable cela relève-t-il des tribunaux ?
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